Mon fils m'éduquera un jour [Loen#2]

J’ai beau tenter de motiver mon cher et tendre à se lever depuis environ deux heures, rien n’y fait. C’est ça de faire la fête avec de vieux copains dans un bar de la ville. Je n’ai rien contre le fait qu’il retrouve ses potes comme à l’époque du lycée, je passe bien mon temps avec Loan. Je m’en amuse plus qu’autre chose, de le voir faire la fête comme s’il avait 20 ans alors qu’il en a le double et que le retour de bâton le lendemain est de plus en plus cruel.
Loan au bout du fil, je ne peux retenir quelques vannes. « Je crois que Tom ne viendra pas déjeuner avec nous. Il est plus proche du coma que de la pleine forme… Ouais, beuveries entre mecs hier soir. Tu parles, ils croient encore qu’ils ont 20 ans. » Je pense que d’une bière ils en ont fait six ou sept et qu’arrivé à un certain nombre de tournées, on ne compte plus !
« T’inquiète je serais là pour midi et demi. J’ai réservé en terrasse. Oui, là où était la dernière fois. » Tout en tenant le téléphone d’une main, je range la maison de l’autre. « Aïe merde ! Télio tes légos ! » Le salon est miné, le sol est carrément devenu un vrai parcours du combattant pour moi, qui ne suis pas capable de marcher sur du plat sans manquer ma réception, alors imaginez ! « Non, c’est rien, j’ai manqué de tomber sur un de ses trucs super traitres là, pieds nus c’est juste un enfer ! Tu sais pas la chance que t’as toi, avec trois princesses. » Non mais je le lui dis, parce que les Action Man et les Lego, elle n’a pas eu à s’en occuper !
« A tout à l’heure ma chérie, oui, en un seul morceau, te fous pas de moi ! » Je raccroche et pose mon portable sur le comptoir, je le chercherais encore un temps fou avant de le trouver avant de partir. « Mon cœur, tu t’habilles ? On mange avec marraine à midi. » Embrassant mon fils par-dessus le canapé en caressant sa joue. Je l’aime ce gosse, c’est même pas imaginable. J’embarque sa Game Boy, du haut de ses 7 ans, une discussion de nanas, c’est vite ennuyeux. Mais il aime bien se retrouver avec nous, de toute façon je ne peux pas le laisser à Thomas, vu l’état dans lequel il se trouve…

Il est midi et demi, passées. Je savais que je mettrais un temps fou à trouver mon portable en partant ! Télio est installé à l’arrière et du moment qu’il peut choisir la musique qui passe dans la voiture, il est partant. Je trouve une place près d’un trottoir, il ne me reste plus qu’à faire une manœuvre et… paf ! Je n’avais pas vu la barrière. « Mais merde c’est pas vrai ! » « Gros mot maman ! » « Excuse-moi mon chéri. Mais merde quand même. » Je soupire et descends de la voiture, Thomas va me tuer, il vient de faire repeindre le parechoc. En même temps ce n’est pas faute de lui avoir dit qu’il s’entêtait pour rien ! Une bigne de plus ou de moins sur un parechoc déjà abîmé, ça se voit beaucoup moins…
Je récupère la main de mon fils avant de traverser la route. Loan est déjà là. « Excuse-moi pour le retard, j’avais encore perdu mon portable ! » Embrassant ma meilleure amie sur la tête avant de prendre une chaise en face d’elle. « Il était juste sur le comptoir de la cuisne, là où elle l’avait posé. Salut marraine. » Télio est très câlin, très tendre, et c’est toujours un câlin en bonne et due forme qu’il offre à Loan pour lui dire bonjour.

Je cours de tous les côtés, dépose Joy chez son père pendant que Stella s’occupe des deux plus grandes. J’ai une tonne de trucs à faire aujourd’hui, je dois aussi m’occuper des papiers à signer pour la nouvelle maison, et préparer l’anniversaire de Casey qui arrive à grand pas. Et puis soudain, mon téléphone sonne, c’est Ellen. J’avais oublié qu’on devait se voir ce midi, merde. Faire comme si de rien n’était. Elle m’annonce que son homme ne viendra pas déjeuner, tant mieux, parce que de toute manière Stella n’était pas dispo non plus, autant se retrouver que toutes les deux tranquillement. Elle viendra sûrement avec mon filleul, aucun souci avec ça. « Parfait pour midi et demi, j’ai - » Je n’ai pas le temps de continuer ma phrase que je l’entends se plaindre. Ellen dans toute sa splendeur. « Tout va bien ? » Je me marre un peu, j’ai l’habitude de me foutre de sa gueule, c’est comme ça que ça marche. « Elles jouent aussi aux légos et aux petites voitures, donc je te comprends ! » Moi aussi je me tue les pieds quand je me lève en pleine nuit et que le salon n’est pas rangé. Je raccroche après m’être un peu foutu de sa gueule, et finis ce que j’avais à faire avant l’heure du déjeuner. Je préviens Stella tout de même que j’avais oublié le déjeuner avec Ellen et elle me répond qu’il n’y a pas de soucis. Elle est parfaite. Je me grouille, je suis encore à la bourre, et finalement pas tant que ça puisqu’Ellen n’est même pas là. C’est tellement rare que ce soit moi qui arrive en premier. Je donne le nom de ma meilleure amie et m’installe à la table qu’elle a réservé. « Excuse-moi pour le retard, j’avais encore perdu mon portable ! » Je me lève pour l’embrasser et ricane, parce que c’est vraiment un cas. « Il était juste sur le comptoir de la cuisine, là où elle l’avait posé. Salut marraine. » Je ris davantage. La vérité sort toujours de la bouche des enfants. « C’est ta mère tu sais, on la changera ça. Coucou mon chaton. » Je viens lui faire un gros câlin et un bisou qui claque sur la joue avant de nous réinstaller tous. « Alors racontez-moi, comment vous allez tous les deux, tous les trois ? » Ça fait du bien de se poser finalement, j’avais oublié, mais maintenant que je suis là, je regrette pas d’avoir décalé tout un tas de trucs pour passer du temps avec ma famille du coeur.

J’ai rendez-vous à une certaine heure, tout en sachant pertinemment que je ne serais pas à l’heure. La ponctualité pourtant, j’essaye, je vous jure ! En dehors de mes cours, je ne suis pas quelqu’un d’organisée, je suis une artiste et tout vient comme ça vient. Tant pis pour le reste. Après tout je ne suis pas ce qui se fait de pire dans le milieu non plus… Loan bat tous les records, et me permet au passage de déculpabiliser un maximum. Je ne dis pas que je suis parfaite, mais elle non plus, de toute façon la perfection l’ennuie. Elle a toujours adoré nagé à contre-courant.
« Parfait pour midi et demi, j’ai - » Et oui, j’en profite pour manquer de m’étaler dans le salon, sinon quel intérêt ? J’avais été plutôt adroite jusque-là. « Tout va bien ? » Je la rassure, je suis encore sur mes deux jambes, pas de crochet par les urgences avant le déjeuner, on va s’en sortir. Combien de fois elle a pu attendre avec moi, des heures durant, des nuits entières, sans se plaindre, juste en s’endormant sur mon épaule, si tant est ce celle-ci soit encore en état de marche. « Elles jouent aussi aux légos et aux petites voitures, donc je te comprends ! » Saloperies de jouets qui trainent mais je ne me peux décemment pas empêcher mon fils de jouer, et de s’exprimer sur le tapis du salon.

Nous sommes cependant presque à l’heure, et étant donné les conditions, je nous trouve plutôt bons. Télio me tient la main, j’ai toujours peur qu’il ne traverse sans regarder. Je sais qu’il grandit mais quand est-ce qu’on cesse d’être inquiets au final ? Jamais pas vrai ? Mon fils me fait remarquer que ma meilleure amie est déjà là. Malheur. Pour que Loan soit en avance sur moi, c’est que j’ai vraiment dû déconner ! Ou qu’elle s’est disputée avec Stella, ce qui n’a pas l’air d’être le cas vu le sourire qu’elle affiche. Je suis capable de lire sur son visage, à des kilomètres. « C’est ta mère tu sais, on la changera pas. Coucou mon chaton. » Il étreint sa marraine et prend place à côté de moi, se jetant sur le menu. Il dévore en ce moment. Je crois que ça devient un ado, pauvre de moi… « Alors racontez-moi, comment vous allez tous les deux, tous les trois ? » « Papa est rentré complètement bourré hier soir. Il a fait la fête. Et ce matin, c’était pas glorieux. » Rétorque Télio sans quitter la carte des yeux. « Mon fils… soit indulgent, tu y passeras toi aussi, malgré toutes nos recommandations. » Lui lançant un regard, sourcil levé. Qu’il se rappelle que lui aussi ce sera un jour un père de famille qui a besoin de décompresser, un homme limité incapable de dire non à ses potes pour une énième tournée de bière ou de je ne sais quoi. Pauvre de moi. « Stella n’est pas là ? Vous ne vous êtes pas engueulées au moins ? » Je parle comme ça vient devant mon fils, il sait pertinemment ce qu’il a le droit de dire ou non. On lui parlera des pétards plus tard, il a encore le temps. Je la vois checker son portable toutes les deux minutes. « Tu attends peut-être un message ? Une maîtresse ? Ou un petit ami du lycée éconduit… Tu sais que le petit jeune de la dernière fois m’a encore demandé de lui filer ton numéro ? » Un de mes élèves à la fac, avec lequel je me suis retrouvé dans une soirée en compagnie de Loan et Stella, coup de foudre, comme ça. C’était pourtant grillé d’avance.

Ça fait du bien de les voir, ça me fait une pause dans mon emploi du temps de dingue, entre le boulot et la famille. « Papa est rentré complètement bourré hier soir. Il a fait la fête. Et ce matin, c’était pas glorieux. » Je pouffe de rire face aux mots employés par mon filleul et regarde Ellen lui parler d’indulgence. J’aime qu’elle ne soit pas derrière lui à le reprendre pour qu’il soit le parfait archétype du gamin bien sous tout rapport. Ellen peut donner cette impression parfois, une femme toujours bien apprêtée quand elle sort, propre sur elle, et son visage donne l’impression qu’elle se confesse chaque soir. Pourtant, il n’en est rien, et heureusement sinon elle ne serait pas ma meilleure amie. « Stella n’est pas là ? Vous ne vous êtes pas engueulées au moins ? » Je souris et secoue la tête légèrement. « Non tout va bien, elle avait du boulot, un chapitre à terminer avant d’envoyer à la relecture, ou je sais pas quoi.. » Le boulot de ma femme, j’y comprends pas grand chose, mais je suis heureuse qu’elle travaille à la maison, elle est toujours là quand je rentre et elle peut moduler ses horaires comme elle le désire. C’est pratique pour les enfants. D’ailleurs, la voilà qui m’envoie un message, et comme une amoureuse transie, je souris et réponds, même si c’est pas poli, c’est pas grave c’est Ellen. « Tu attends peut-être un message ? Une maîtresse ? Ou un petit ami du lycée éconduit… Tu sais que le petit jeune de la dernière fois m’a encore demandé de lui filer ton numéro ? » Je ris à ses âneries et secoue à nouveau la tête, plus d’une manière dépitée que pour lui répondre par la négative. « Non pas de maîtresse non, parce que tromper la personne qu’on aime, c’est mal. Hein chéri ? » Je glisse une main dans les cheveux de Telio et lui adresse un sourire. « Le gamin de la dernière fois ? Celui de la soirée qu’on a fait avec Stella ? Mais pitié il était à peine majeur ! Et puis c’est pas comme si j’avais donné des signaux quoi… » Je ris un peu, amusée. C’est flatteur de savoir qu’on plait. Ça m’aurait sans doute plus intéressée si ça avait été une jeune femme, bien que je ne sois pas du tout dans l’optique de tromper ma femme. « Bon et alors, papa bourré ça donne quoi hein ? » J’ai toujours été complice avec mon filleul, et ça ne changera pas demain.

« Non tout va bien, elle avait du boulot, un chapitre à terminer avant d’envoyer à la relecture, ou je sais pas quoi.. » « Tu lui as dit que j’étais prête à lire moi aussi ? » J’admire ce dont est capable la femme de ma meilleure amie. En tant que prof de littérature, je peux lire tout ce qui me passe sous la main, et je ne me pose pas la moindre question de ce que ça peut donner, je veux voir, comprendre, je suis curieuse. Loan n’a pas toujours compris ce besoin de se renfermer sur un bouquin, son histoire et ce qu’il peut contenir. Pour elle, la vie, ça se passe en direct, en échangeant, et en faisant la fête. Pas que ce soit une fêtarde écervelée, bien au contraire, elle connait l’être humain mieux que personne, et il le faut pour les divertir comme elle parvient à le faire.

Je la chambre sur son téléphone et la raison pour laquelle il sonne. Ça ne peut être que Stella. Elle ne donne son numéro perso qu’à très peu de monde, elle a beau aimer sa vie sociale, elle sait comment la gérer, sans jamais se faire bouffer, ça aussi j’admire. Je suis plutôt naïve, elle en rit encore d’ailleurs ! « Non pas de maîtresse non, parce que tromper la personne qu’on aime, c’est mal. Hein chéri ? » « Tromper ? C’est faire des trucs pas bien avec une autre personne ? Comme des bêtises ? » « Oui chéri, ça s’appelle des bêtises aussi. » Je ne suis pas trop pour expliquer que coucher avec une autre personne fait partie des bêtises, ça reste un enfant. Je pense qu’il sait comment ça se passe mais qu’on soit clairs, mon fils est encore un bébé qui a ses illusions. Je le materne, mais je ne suis pas la seule, il suffit de voir comment Loan s’y prend avec lui.
« Le gamin de la dernière fois ? Celui de la soirée qu’on a fait avec Stella ? Mais pitié il était à peine majeur ! Et puis c’est pas comme si j’avais donné des signaux quoi… » « C’est toujours dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes… » Je lui dis, elle le sait, c’est au moins ça. « Tu es un signal à toi toute seule Loan, fait pas semblant ! » Elle le sait, combien de fois les regards se sont tournés vers elle avant de se tourner vers moi. Pas que je sois la petite grosse disgracieuse à côté de la princesse mais Loan a ce truc, qui attire le regard, elle est cet aimant à tout le monde, je ne sais pas comment elle fait ça, c’est inné chez elle.
« Bon et alors, papa bourré ça donne quoi hein ? » « Et ben… il veut danser avec maman, il chante, et il se tient au mur pour aller jusqu’à la chambre. Mais après il finit par avoir le mal de mer et vomir. Il faut être adulte pour être bourré marraine ? » Sa question est très sérieuse. Il passe son temps à scotcher ma meilleure amie. Je crois qu’elle est une des figures maternelles les plus importantes pour lui. Une tata déglinguée ça plaît toujours ! « Promis mon cœur, ta première cuite tu pourras la prendre chez marraine. » Dans un bar gay, il ne risquera pas d’en mettre une en cloque par la suite, ça me va très bien ! Je pense à tout, je ne suis pas flippée je suis juste prudente.

 « Tu lui as dit que j’étais prête à lire moi aussi ? » Je souris en regardant ma meilleure amie. Je sais qu’elle est la première sur la liste - après moi, étant friande de littérature. Alors je hoche la tête. « Bien sûr, et elle le sait t’en fais pas. Tu pourras lire bientôt ! »[/color] J’admire le talent de ma femme, et je sais qu’Ellen trouve beaucoup de satisfaction à la lecture des lignes de mon épouse. Ma meilleure amie me demande qui m’envoie tout ces messages et que fais un petit cours sur l’adultère à mon filleul que ne comprend pas vraiment de quoi il s’agit, ce qui m’amuse beaucoup. « Oui chéri, ça s’appelle des bêtises aussi. » « Voilà. Et on a le droit de faire certaines bêtises - pas toutes attention - mais pas avec n’importe qui ! » Je fais un petit signe de tête entendu à Ellen en souriant, parce que je sais qu’au fond, elle me croit capable de me laisser tenter par une autre femme. Il n’en est pas question dans ma tête, parce que j’aime Stella démesurément, mais il est bien vrai que ça pourrait être dans mon tempérament.

Ellen me reparle de cet étudiant qui avait essayé de me draguer à une soirée et ça me fait beaucoup rire. « C’est toujours dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes… » Je lève les yeux au ciel, plus amusée qu’autre chose. « Tu es un signal à toi toute seule Loan, fait pas semblant ! » Cette fois je ris un peu et lui adresse un signe l’air de dire ‘arrête de me flatter’. Je choisis finalement de changer de sujet et demande à mon filleul ce que ça donne, son père bourré. « Et ben… il veut danser avec maman, il chante, et il se tient au mur pour aller jusqu’à la chambre. Mais après il finit par avoir le mal de mer et vomir. Il faut être adulte pour être bourré marraine ? » Je ris gaiement à la réponse de Télio, et d’autant plus à sa question. « Ça devait pas être très beau à voir ! Et pour te répondre mon chat, tu as bien le temps avant ça ne t’en fais pas ! Mais quand ça arrivera, je serai là pour t’aider à marcher droit ! » Je glisse ma main sous son menton en souriant, attrapant son petit visage pour l’attirer à moi et plaquer un baiser sur son front. « Promis mon cœur, ta première cuite tu pourras la prendre chez marraine. » Je souris largement et hoche la tête. « Mais bon tu sais, l’alcool c’est pas très bien, et surtout pas quand on en boit beaucoup. A petite dose c’est agréable mais il faut pas en abuser. » Je lui fais un clin d’oeil adorable et repose mon regard sur ma meilleure amie. « Regarde maman, un verre de temps en temps, et elle va vivre centenaire, et elle rendra jalouse toutes les femmes qui croiseront son chemin. C’est le secret de la longévité ! »

« Voilà. Et on a le droit de faire certaines bêtises - pas toutes attention - mais pas avec n’importe qui ! » « Personne qui ne soit pas ton amoureuse. C’est tout ce que tu dois retenir. » Toutes les mères voudraient faire de leur fils le parfait gentleman, l’homme parfait qu’elles ont le sentiment d’avoir élevé, et j’aimerais par-dessus tout que les femmes plus tard aiment mon fils parce qu’il est droit et sait aimer comme son père sait le faire avec moi. Ce serait une fierté que de voir qu’il rend sa femme heureuse et inversement. Cliché sans doute, mais Thomas est tout ce que j’ai toujours imaginé du portait de l’homme idéal. Parfait mais pas trop. Mon meilleur ami autant que mon mari et ce déconneur parfois maladroit, à qui il arrive de me bousculer comme si j’étais son pote de la fac. Ça m’a toujours fait rire, cette façon qu’il avait de croire que je pouvais plaisanter avec lui comme si j’avais une paire de… comme lui. Ou presque comme lui.

« Ça devait pas être très beau à voir ! Et pour te répondre mon chat, tu as bien le temps avant ça ne t’en fais pas ! Mais quand ça arrivera, je serai là pour t’aider à marcher droit ! » J’aime la relation que Loan entretien avec mon fils, qui est pour ainsi dire son neveu, même si aucun lien du sang nous lie, ce sont bien les liens du cœur qui font que Télio regarde sa tante avec autant d’admiration. Elle est un peu l’archétype de la nana cool et qui dirait oui à tout si elle était sa mère. Je ne lui dis pas souvent non, mais quand il me demande de dormir sur la terrasse à la belle étoile en plein hiver par 8°C dehors, effectivement j’hésite à dire oui.
« Promis mon cœur, ta première cuite tu pourras la prendre chez marraine. Mais bon tu sais, l’alcool c’est pas très bien, et surtout pas quand on en boit beaucoup. A petite dose c’est agréable mais il faut pas en abuser. » « De toute façon pour le moment je dois encore demander pour prendre du sirop à table alors boire de l’alcool tout seul… » Il est futé ce gosse, autant que son père et moi ! Je regarde Loan en souriant, complice. Il rêve de liberté et d’indépendance comme un ado, il en reviendra quand il devra l’assumer sa liberté !
« Regarde maman, un verre de temps en temps, et elle va vivre centenaire, et elle rendra jalouse toutes les femmes qui croiseront son chemin. C’est le secret de la longévité ! » « La jalousie ? » Je regarde Loan comme si nous allions entamer une de ces conversations qui durent des heures et parfois toute une nuit autour d’un pétard dans une chambre étudiante. « La jalousie est le secret de la longévité ? » Je ris en entamant mon verre, elle est marrante elle. Loan rend toutes les femmes jalouses, oui, mais moi avec mon mètre soixante et mes taches de rousseur, la seule que je rends jalouse c’est la carotte à côté ! « Thomas allume une autre nana du regard comme tu le fais avec ta femme ? Mais je le laisse rentrer à pieds sous la pluie, pas de pitié. » Que ce soit tenu pour dit. Je suis jalouse sans trop l’être et je ne suis pas méchante, mais il y a certaines limites. Même si pour Loan et Stella, c’est un jeu, motivant, et qui maintient la flamme. Je peux le comprendre et je l’admire même, je trouve ça presque admirable, mais je ne sais pas jouer avec le feu sans flipper de tout mon être. « D’ailleurs, son éditrice, tu as identifié le danger ? » Elle se méfiait beaucoup de l’éditrice de Stella, depuis le premier coup d’œil. Et je sais que quand Loan a une nana dans le viseur, ça peut vite tourner au carnage.

 « De toute façon pour le moment je dois encore demander pour prendre du sirop à table alors boire de l’alcool tout seul… » Je ris de bon coeur, ce gosse est définitivement beaucoup plus futé qu’il n’y paraît. Je m’adresse finalement à Ellen par l’intermédiaire de Télio en disant simplement qu’un verre de vin par jour pourra la mener à vivre centenaire. « La jalousie ? » Je la regarde en souriant. Elle s’est toujours dévalorisée, alors qu’elle a un potentiel infini qui dort en elle sans qu’elle ne s’en rende compte. Elle n’a pas réussi à avoir Thomas en lui faisant ses devoirs que je sache… « La jalousie est le secret de la longévité ? » Je ris cette fois et secoue la tête. « Non. Un verre de vin. Mais je sais que tu es jalouse chérie. Si c’était ça, il est clair que tu vivrais jusqu’à 200 ans ! » Toutes ces choses qui nous rassemblent et nous différencient. « Thomas allume une autre nana du regard comme tu le fais avec ta femme ? Mais je le laisse rentrer à pieds sous la pluie, pas de pitié. » Je ris à nouveau en secouant la tête. Nous ne fonctionnons pas de la même manière, c’est une certitude, mais c’est aussi pour cette raison que nous nous entendons aussi bien. Si nous étions trop similaires, ça ne fonctionnerait pas, et surtout pas depuis aussi longtemps. Je sais qu’Ellen sera sans aucun doute celle à qui je tiendrai le bras pendant une balade canne à la main. Si je vis jusque là. Pour elle, c’est une certitude. « D’ailleurs, son éditrice, tu as identifié le danger ? » Je vois une gorgée de vin avant de lui répondre. « Oh oui. On l’a invitée à dîner et on lui a fait visiter notre chambre. Affaire réglée. » Je choisis mes mots pour ne pas heurter le garçon près de moi et souris à Ellen en voyant ses yeux s’exorbiter lorsqu’elle comprend ce que je veux dire. Cette fois je ris. « Non je plaisante. Je ne partage pas ma femme. Et elle ne partage pas la sienne non plus. J’me suis pointée un jour avec elle à un de ses rendez vous, mielleuse avec Stella, elle a vite compris quand je l’ai quelques fois fusillée du regard. J’crois que depuis ça elle a pas réessayé de jouer au Scrabble avec ma femme. » Je me laisse tomber sur le dossier de ma chaise en souriant, victorieuse. Oui, parce que si j’aime jouer avec ma femme, flirter avec les limites, je ne l’ai jamais trompée, je ne la tromperai jamais, et je sais qu’elle en fera de même.

« Non. Un verre de vin. Mais je sais que tu es jalouse chérie. Si c’était ça, il est clair que tu vivrais jusqu’à 200 ans ! » « Je ne suis pas jalouse ! Je dis simplement que laisser espérer c’est semer le doute. » Et je refuse de lui laisser le doute sur le fait qu’il ait le droit d’aller voir ailleurs ou pas, c’est non. Thomas est MON mari à moi et je fais tout ce qu’il faut pour le garder. Pas que ce soit un coureur mais je préfère prévenir que guérir. Je sais faire les choses comme il se doit et surtout je sais lui dire stop quand je pense qu’il va trop loin. Lui faire la gueule durant des heures et le laisser mariner. Mais par-dessus tout, je sais l’aimer comme aucune autre ne saura jamais le faire. Il est tant mon meilleur ami que l’homme de ma vie, mon Prince Charmant et le badboy que j’aime à reluquer à chaque fois que je le croise.

Loan, elle, aime jouer avec les limites, se faire peur et se dire que tout n’est pas acquis. Qu’un jour ou l’autre elle est susceptible d’entrer en rivalité avec une autre femme, pire, ça lui plaît. Je n’aime pas me mettre en danger, je n’ai pas besoin de ça pour remettre du piment dans mon couple. Je suis beaucoup moins aventureuse. Presque chiante… Mais je crois que mon mari aime la prudence dont je fais preuve.
« Oh oui. On l’a invitée à dîner et on lui a fait visiter notre chambre. Affaire réglée. » J’ouvre des billes grandes comme des soucoupes. Elle en est tout à fait capable. Je ne pourrais jamais partager mon homme dans mon propre lit. J’ai toujours aussi beaucoup apprécié la façon de Loan de parler par métaphores, on s’est toujours comprises toutes les deux, et préservé les enfants de nos conversations. « Non je plaisante. Je ne partage pas ma femme. Et elle ne partage pas la sienne non plus. J’me suis pointée un jour avec elle à un de ses rendez vous, mielleuse avec Stella, elle a vite compris quand je l’ai quelques fois fusillée du regard. J’crois que depuis ça elle a pas réessayé de jouer au Scrabble avec ma femme. » « On ne mange pas dans ma gamelle, question de principe. » Lançais-je pour approuver ses dires. « Pourquoi, c’est mal de jouer au scrabble marraine ? » Télio qui sort deux minutes de sa Game Boy pour s’informer. Ce gosse a des oreilles partout !
« Tu crois que c’est ça qui fait de vous un jeune couple après autant d’années de mariage ? » Je les admire. On dirait qu’elles viennent de se rencontrer ! Et pourtant Stella est bien plus mesurée et tempérée que Loan, et Dieu merci !

Ma meilleure amie me demande des nouvelles en ce qui concerne cette éditrice qui avait l’habitude de faire du gring à ma femme. Je ne l’ai pas supporté bien longtemps, et me suis présentée à elle pour bien lui montrer que Stella était ma propriété. Joueuse, je fais croire à Ellen que nous avons partagé un moment à trois, même si ce n’est pas vrai. Je vois son visage se décomposé, et je ris, comme une enfant, fière de ma bêtise. Finalement, je lui raconte la vraie histoire, en faisant bien attention aux mots employés pour ne surtout pas heurter la sensibilité de mon filleul. « Pourquoi, c’est mal de jouer au scrabble marraine ? » Je souris, amusée par sa question, et réponds sans tarder. « Ah non non, c’est très bien le scrabble, c’est une bonne chose, une très bonne chose même. Mais on peut pas jouer avec n’importe qui. Et Stella est très forte au scrabble, c’est pour ça que je la laisse pas jouer avec n’importe qui. Y’a que moi qui sait la laisser gagner. » Je suis plutôt fière de ma métaphore, et adresse un regard à Ellen, l’air de lui dire que oui, elle peut m’applaudir, c’est du haut vol.

« Tu crois que c’est ça qui fait de vous un jeune couple après autant d’années de mariage ? » Je hausse cette fois les épaules, c’est vrai que ma femme et moi ne fonctionnons sans doute pas comme les autres couples, mais je crois que je me ferai chier dans un mariage comme celui d’Ellen, je la respecte grandement d’arriver à y trouver son compte. Le planplan, c’est pas pour moi. Et même si je suis mariée, avec des enfants, je ne compte certainement pas devenir un couple chiant, qui reste chez elles devant la télé à manger des sushis et à se coucher à 22h. Trop peu pour moi, j’ai besoin d’autre chose, besoin de piquant. Et oui, je crois que la jalousie alimente aussi un peu cette fougue que je peux avoir. Stella adore quand je suis jalouse, heureusement, ce n’est jamais à outrance. « Ça peut oui, même si y’a pas que ça… » La fréquence de nos rapports a certainement une incidence aussi là dessus, mais je ne vais pas le dire devant le gamin. « Quatre à cinq parties de Scrabble par semaine, ça garde les méninges actives ! »

« Ah non non, c’est très bien le scrabble, c’est une bonne chose, une très bonne chose même. Mais on peut pas jouer avec n’importe qui. Et Stella est très forte au scrabble, c’est pour ça que je la laisse pas jouer avec n’importe qui. Y’a que moi qui sait la laisser gagner. » Je dois reconnaître être particulièrement impressionnée. Magnifique. Sublime. Ma meilleure amie est un génie et je le lui signifie par une courbette à peine dissimulée. « Marraine c’est la meilleure au Scrabble. Une vraie tueuse. » Coup d’œil complice à ma meilleure amie. Elle a toujours su comment parler aux enfants. Et je dois reconnaitre que son langage imagé nous a plus d’une fois sortis de l’embarras, ne serait-ce qu’avec les filles. « Si c’est la meilleure, je vais lui demander de m’apprendre à jouer au Scrabble moi aussi à tata, la prochaine fois que je viens ! » J’explose de rire, je ne peux retenir cette admiration dingue que j’ai pour ce gosse, mon fils, ma merveille. Et on va attendre un peu pour lui apprendre à jouer au Scrabble, même si son père est très fier à chaque fois qu’il tient la main d’une fille.

Je me demande comment font Loan et Stella pour être encore aussi passionnées, c’est vrai, trois filles, un mariage, des carrières prenantes et elles trouvent le moyen de roucouler comme au début de leur histoire. J’admire. Mais je ne sais pas si j’en aurais l’énergie. Je suis plus planplan, j’ai besoin de ma routine, et pourtant on est restés sans enfants un moment Thomas et moi, on voulait en profiter. Je crois que nos tempéraments sont plus tempérés, tout simplement. Loan est une furieuse. « Ça peut oui, même si y’a pas que ça… » Je tends l’oreille, elle ne laisse jamais rien en suspens. Elle aime avoir le dernier mot et le secret surtout, j’adore l’écouter me raconter tout ça. Des fois je l’écoute comme je regardais un épisode de je ne sais quelle série addictive. « Quatre à cinq parties de Scrabble par semaine, ça garde les méninges actives ! » « Sans déconner ?! » Je repose mon verre de vin sur la table et manque de le faire tomber. « C’est plus un jeu, là, c’est du brainstorming ! » Je comprends un peu mieux. Et je crois que mon fils se demande si c’est beaucoup et je devance sa question. « C’est que marraine et tata ont beaucoup, beaucoup d’énergie. Et une passion pour le jeu qui force l’admiration. » « Papa et toi, je vous vois jamais jouer au Scrabble. » « Mais si, quand t’es couché mon chéri. Papa a besoin de concentration. » Loan, aide-moi ?

« Marraine c’est la meilleure au Scrabble. Une vraie tueuse. » Je me mets à rire, parce que je suis quand même vachement fière de ma métaphore, et que ma meilleure amie semble être d’accord avec moi, vu la courbette qu’elle m’a offerte. « Si c’est la meilleure, je vais lui demander de m’apprendre à jouer au Scrabble moi aussi à tata, la prochaine fois que je viens ! » Je manque de m’étouffer en l’entendant dire ces mots, et me mets à rire un peu. « Il faudra attendre un peu mon chat, tu n’as pas encore assez de vocabulaire. Mais ça viendra t’en fais pas, je suis sûre que tu seras un as au Scrabble ! » Je lui souris, glisse le bout de mes doigts sur sa joue lisse, et repose mon regard sur ma meilleure amie, qui semble chercher à comprendre comment nous arrivons ma femme et moi à toujours avoir l’air d’être un jeune couple. La réponse est sans appel, et je vois que ça la destabilise, ce qui me fait d’autant plus rire. « Sans déconner ?! C’est plus un jeu, là, c’est du brainstorming ! » Je hoche la tête fièrement en souriant. Mais avant même que Télio pose une question, Ellen le devance. « C’est que marraine et tata ont beaucoup, beaucoup d’énergie. Et une passion pour le jeu qui force l’admiration. » Je ris à nouveau, et d’autant plus quand le petit garçon demande à sa mère pourquoi eux ne jouent pas au Scrabble. Je jubile dans mon petit coin, comme une gamine qui vient un peu de foutre la merde, mais pas méchamment, non bien sûr. Ellen lui répond qu’ils attendent que le petit soit couché, et ça m’amuse. Je crois que cette histoire de Scrabble risque bien de rester un moment. Nous finissons le repas toujours sur cette note légère. Ellen est et sera toujours un de mes principaux piliers, et je crois que je serai le sien aussi. Quoi qu’il arrive, nous serons toujours là l’une pour l’autre, je n’ai aucun doute à ce sujet.