Just like a Circus | Mikeal

Elle range son porte-feuille dans son sac à main sans adresser le moindre regard à la personne qui gère l’accueil. Ce n’est pas une grande fan de ce genre d’endroit mais elle n’a pas le choix, il y a quelqu’un qu’elle doit voir absolument. Et puis mine de rien, c’est tout aussi un moyen de se vider la tête et de retrouver un semblant de liberté, elle a l’impression d’étouffer en ce moment. Son entrée attire les regards et elle ajuste sa combinaison comme aillant cette étrange impression qu’un bout de peau dépasse de trop, suffisamment de trop pour que les pervers affamés se jettent dessus. Elle commande un verre au bar et se planque dans un coin pour embrasser la salle du regard. La semi-obscurité ne lui donne pas un grand aperçu de la surface mais elle ne loupe pas les corps dénudés qui s’expriment sur la piste de danse. Ohana boit une longue gorgée de sa boisson, il est temps de retrouver son amie de toujours. Audrey.

Elles se sont connues au collège pour se séparer au lycée tout en continuant de garder contact, découvrant le corps des femmes ensemble, un lien qu’elles ont décidé incassable mais qui est devenu bien plus sage au fil des années. Alors qu’Ohana a fait le choix de devenir danseuse de cabaret pour sa passion de la danse, Audrey -qui aime la provocation- a changé de chemin pour devenir une danseuse de nuit. Et aujourd’hui c’est son anniversaire et l’Hawaïenne a accepté de la rejoindre sur son lieu de travail pour le fêter dignement avec elle d’une manière inconnue.

Ne la trouvant pas, Ohana décide de se poser sur un tabouret en attendant qu’une nouvelle vague de danseuses débarque et qu’elle puisse enfin la trouver. Elle sirote toujours son cocktail, sa jambe tressautant au rythme de la musique, certaines lui rappellent son ancien cabaret, le nouveau étant bien plus distingué et précieux, il n’est plus question de donner faim au public mais de l’épater avec des chorégraphies parfaitement orchestrées et avec la beauté légendaire des danseuses. Elle pose son verre sur le comptoir et sent du mouvement à sa gauche. Aussitôt, elle tourne la tête dans cette direction et lève les yeux au ciel. Mikeal. « Ne me dis pas que t’es le patron de ce strip-tease-là. »

Elle n’a rien contre cet homme qui ne fait que son métier mais elle ne peut s’empêcher de vouloir lui mettre son poing dans la figure, elle est à cran en ce moment et ça se répercute sur toutes ses actions, de quoi l’enrager encore plus. Elle le prend à la rigolade d’ordinaire, elle va parfois même jusqu’à jouer le jeu pour duper le gars, mais cette fois elle a du mal Ohana. Mikael est un gars à la beauté à baver certes, ils se sont rencontrés dans un bar branché de la ville alors qu’elle était en compagnie d’une bande d’amies. Elle se souvient encore de son regard sur elle et de son large sourire ainsi que sa proposition. Elle lui a ri au nez et a avoué qu’elle n’était pas un morceau de viande. Elle se souvient encore très bien de la gifle d’Audrey après, oui bon certes elle avait oublié son métier à ce moment-là.

Elle boit une gorgée de son verre et fixe donc le gérant du club, un sourcil arqué, les jambes croisées. Manque plus que ça. Et il en remet une couche. Le verre est posé sur le comptoir et elle se lève pour lui faire face. Posant le bout de ses doigts sur son épaule pour lui tourner autour comme une prédatrice qui déguste un avant-goût de sa proie.  Elle n’a pas peur de lui comme elle n’a pas peur de ses potentiels sbires, elle sait qu’elle ne craint rien, c’est une perle rare Ohana, elle sait ce qu’elle vaut.

« Non le cabaret me convient toujours aussi bien, merci. » répond-elle dans un sourire en coin avant de s’arrêter face à lui. « Je suis ici pour rendre visite à une amie, Audrey si tu connais le nom de tes danseuses sur le bout des doigts. » Elle ne l’a pas vu sur les scènes offertes aux regards gourmands des clients. Alors pourquoi ne pas demander directement au gérant, c’est clairement plus simple.

C’est un drôle lui, Ohana l’aime bien même si elle fait croire le contraire parce qu’il est déterminé et parce que mine de rien, il n’est pas moche, mais elle ne juge pas au premier regard sauf quand elle est célibataire et qu’elle s’ennuie, or elle est en couple et n’a plus de temps pour elle. C’est peut-être un problème aussi, cette sensation d’avoir perdu sa liberté, merde quoi elle qui en fait sa religion. Il joue et elle en rit, lui offrant un sourire innocent. Oh que oui elle aurait du succès ici, toutes les filles exotiques en ont dans ce genre d’endroit puis avec son caractère et ses talents de danse, elle gagnerait de quoi se payer un appartement à Silverlake sans le moindre mal, mais elle aime sa colocation même si elle commence à se faire vieille pour ça. Elle se passe une main dans les cheveux et attend sa réponse à propos de son amie, Audrey, et il gagne le test haut la main, preuve qu’il ne se fout pas de son personnel, elle reste tout de même suspicieuse sur la date d’anniversaire, un certain réseau social a dû l’aider pour ça. « Elle est dans le bon environnement pour faire la fête après tout. » Oui c’est con à dire mais c’est presque vrai dans un sens, la musique, les filles qui sont des collègues et amies, alors pourquoi pas au final ? Puis certains se foutent bien de le fêter, certains même l’oublie.

Une demi-heure c’est rien, ça passe vite. Elle arque un sourcil à sa proposition et un sourire en coin nait sur ses lèvres. Elle est malicieuse, il ne faut pas l’oublier. Elle lui donne une tape sur le torse et lui indique une barre vide. « Et pourquoi pas toi ? Montre-moi que tu as le talent de tes danseuses ! Mets toi torse nu et excite la foule ! » Elle est sûre qu’il ne le fera pas parce qu’il a la fierté que tous les hommes possèdent et qui les empêche de traverser la limite de leur dignité. Parce que mine de rien, ils ont une réputation à tenir, réputation qui ne fait ni chaud ni froid à Ohana. Elle veut juste s’amuser.