two bros chillin' in crenshaw ( Romeo )

Asa attendait le bus qui l'emmènerait de Westwood à Crenshaw. Il descendait à cette station bien plus souvent qu'il ne l'aurait imaginé depuis qu'il s'était entiché de Romeo (oui, bien sûr qu'il l'avait charrié sur son prénom) l'année dernière.
Quand le bus arriva, presque plein, il se redit pour la énième fois qu'il devrait penser à passer son permis.

Avant de se rendre au studio de Romeo, il passe par une supérette et achète avec le billet de cinq dollars qui lui reste dans la poche, un paquet de chips et un paquet de céréales.

Il arrive devant l'immeuble, sonne à l'interphone, monte les marches et pousse la porte entrouverte du studio.

- J'ai ramené des chips, et un paquet de céréales pour moi maintenant ou pour toi demain matin, comme ça tu meurs pas de faim, lance-t-il en fermant la porte derrière lui. Je t'ai pas ramené de boisson parce que je me suis disque au pire, on a toujours l'eau du robinet.

Il pose le sac de course sur la table et prend place sur le canapé.

Alors qu'il était entré, Asa remarqua à la petite voix de Romeo qu'il avait probablement débarqué au mauvais moment.

- Qu'est-ce que t'as ? T'étais en train de dormir ? demande-t-il un peu brusquement, comme si l'idée lui était absurde, tandis que Romeo va chercher la bouteille.

Après tout, il n'était même pas encore vingt heures. Généralement, Asa aurait été la belle au bois dormant. Mais peut-être que les treize heures de sommeil qu'il venait de se taper la veille lui avait donner de l'énergie à revendre.

- Tu peux continuer si tu veux, je vais pas te déranger, reprend-il. C'est juste que je déteste ma chambre d'étudiant, heureusement que je déménage bientôt.

Il prit le verre que son ami lui tendait et but une gorgée de coca avant de le reposer sur la table basse.

- Ouais okay, répondit-il finalement à la proposition,vas-y on fait ça.

Et il s'avachit à nouveau sur le canapé, chercha une manette des yeux tandis que Romeo s'occupait d'allumer la console.

Asa s'était tourné pour garder Romeo dans son champs de vision tandis qu'ils causaient. C'est vrai que son ami lui avait déjà dit cela. Bien sûr, Asa aurait aimé partager un appartement avec l'un de ses plus proches amis de Los Angeles, ils auraient pu trouver un endroit meilleur, un peu plus grand. Pas aussi grand que celui dans lequel il allait aménager, après tout, à huit ils peuvent s'offrir ce qu'ils veulent, mais un petit truc sympa. Cependant, il ne pouvait pas coller Romeo toute sa vie. Il lui semble que sa grande collocation lui ferait un grand bien, et l'aiderait à se faire plus d'amis et de contacts dans cette grande ville qui l'effrayait encore un peu quelques mois auparavant.

- Commence pas à raconter n'importe quoi ! J'aurais eu trop peur de te contaminer mon homosexualité, jamais je te ferais une chose pareil !

Exposer de cette sorte son orientation sexuelle n'était pas habituel pour Asa. Ce n'était pas son sujet de conversation préféré, ni son genre à crier sur tous les toits qu'il aime les garçons. Mais quand la blague peut se faire, elle doit se faire. Tout comme celle qui vient.

- Puis, il est pas si minuscule ton truc, ajouta-t-il en tapotant le canapé, crois moi j'ai déjà dû partager un truc plus minuscule que ça.

C'était totalement faux, c'était pour cela qu'il l'avait presque marmonné, un peu honteux de sa blague. Il n'avait absolument pas une vie sexuelle aussi mouvementée et diverse mais il imaginait que Romeo avait dû le deviner, si déjà il avait saisit la blague, ce qu'il doutait. Probablement ne l'avait-il même pas entendu, trop concentré sur la machine. Il lui posa la manette sur les jambes, qu'il prit en main. Il se sentait toujours différent avec une manette dans les mains, moins en contrôle, pas son élément. Romeo lui demanda de choisir mais honnêtement, il n'en avait aucune idée.

- Euh, celui de la dernière fois, c'est très bien, lança-t-il vaguement, en espérant qu'on ne lui demande pas plus de détails.

Quand Romeo se cogna contre la table basse en réaction à sa boutade, Asa pouffa de rire en se cachant la bouche avec sa main. Il entendit, mais très faiblement, tellement qu'il doute encore de ce qu'il a entendu, la réponse de Romeo. Asa ne dit rien, ne releva pas. C'était déjà assez gênant comme ça. Il savait que Romeo n'était pas très sûr de lui, encore un peu dans le flou, et il voulait respecter ça, ne pas le déranger sur ce terrain glissant.
Pourtant ce qui suivait était peut-être plus dérangeant. Franchement, parfois Asa, même s'il était de bonne humeur et qu'il ne réfléchissait pas trop à ce qu'il disait, se rendait compte trop tard de ses bêtises et voudrait avoir le don de téléportation pour fuir. Il se doutait que Romeo, à cet instant aussi aurait voulu pouvoir se téléporter à en juger par la couleur vermeille de son teint. Il rit encore, de gêne, de nervosité. Mais son pote était à mourir de rire comme ça, rouge et les mains devant le visage, son anglais aux accents français tremblant. Asa lui prit les poignets pour le forcer à écarter ses mains, confronter son regard. Il ne rajouta rien, parce qu'il avait assez honte comme ça, et Dieu sait ce qu'il aurait pu rajouter. Une fois que Romeo céda, Asa le lâcha et se tourna à nouveau vers la télé, empoignant sa manette, et laissant le temps à Romeo de reprendre ses esprits.
Fortnite.

- Je pense que depuis le début de nos affrontements virtuels, on ne joue qu'à Fortnite.

Il ne se plaignait pas, il constatait juste. Ce jeu lui plaisait bien, après tout, bien qu'au début il avait beaucoup de mal à contrôler son visuel et les déplacement de son joueur.

- Non mais c'est bon, répliqua-t-il de suite, je suis pas con, j'ai compris que c'était là où je me faisais buter rapidement. Mais vas-y, c'est pas grave, je vais te montrer que je peux te battre.

Il ne pensait pas du tout ce qu'il disait. Il allait perdre, fidèle à lui-même. Il ne savait pas trop pourquoi, mais les jeux vidéos avec lui, ça n'a jamais pris. Il a toujours fait un blocage dessus...

Il ne put se retenir de sourire lorsque Romeo sourit. Depuis qu'il le connaissait, Asa ne pouvait que l'imiter lorsque le français souriait, c'était comme ça. C'est que ce sourire était si contagieux, rayonnant, doux et innocent, comme celui d'un enfant. Il faisait si plaisir à voir qu'il était impossible de ne pas sourire en retour.

- Comment ça, je te fais pitié ? s'offusqua-t-il faussement tandis que son amis appuya à sa place sur un bouton de sa manette.

Lorsqu'il comprit que Ro l'avait posé sur Lonely Lodge, il fut un peu soulagé, le nom lui donnait espoir. S'il était tout seul dans cette loge peut-être qu'il arriverait à battre son ami. Celui-ci appuya même sa pensé en lui déclarant qu'il aura une chance de survivre. Tout cela était de l'exagération, pensa Asa. En réalité, il n'était pas si nul à ce joue, essaya-t-il de se convaincre. D'accord, il n'avait pas la même expérience que Romeo, mais il se débrouillait plutôt pas mal pour un gars qui n'avait pas convenablement tenu une manette depuis la Nintendo CameCube.

- Oui bien sûr, je n'oublie jamais de danser devant un gâteau dès que j'en vois un, c'est un réflexe. Tu peux demander à la boulangère au coin de la rue, elle en a marre de moi déjà.

Il commence et il atterrit sur le toit d'un immeuble. Super. Il fait des petits tours, à la recherche de quoi que ce soit qui pourrait l'aider à survivre.

Sa blague avait été lancée sur un ton totalement neutre et l'expression faciale qui allait avec, les yeux fixés sur l'écran. Mais la réaction de Romeo, son rire juvénil contagieux, le fait craquer, et il sourit, et il rencontre le regard de son ami lorsqu'il se tourne vers lui, et c'est ces moments de complicités exceptionnels qu'il partage avec le Français qu'il chérit le plus au monde. A Londres, les gens qu'ils fréquentaient se pavanaient, essayaient de ne pas être ce qu'ils étaient, compliquaient leur personnalité au point de la rendre creuse. Et ce genre de moment, aussi loin qu'il puisse s'en souvenir, il ne les a plus jamais rencontré depuis au moins dix ans. Cela lui faisait du bien d'enfin côtoyer des gens vrais, simples, et qui n'attachent pas à leur nom la somme grotesque qui se trouve dans leur compte en banque. Des gens rayons de soleil, comme Romeo. Romeo est une personne rayon de soleil et Asa s'en été rendu compte dès leur première rencontre. Il avait réchauffé son coeur solitaire. Probablement ressortirait-il de ce studio plus bronzé que quand il était rentré.
Cependant, la réalité virtuelle les rattrape, et leur connexion est brisée par leur objectif important de rester en vie et de gagner un jeu (stupide, certes, mais qui était-il pour juger?). Il prêtait à peine attention aux commentaires du joueur plus expérimenté que lui assis à ses côtés, jugeant qu'il était assez indépendant pour pouvoir faire une partie sans l'aide de quiconque. Alors il lançait des "oui oui" distraits, concentrés sur son écran. Bien évidemment, il ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'oeil à la partie de Romeo. Il avait dans l'idée d'aller le retrouver pour l'éliminer, et gardait cette idée dans un coin de sa tête pour le moment venu. C'est alors qu'il s'aperçut qu'ils étaient au même endroit, plus très loin l'un de l'autre, dans Tomato Town, quand Romeo se tourna vers lui pour lui demander s'il était toujours en vie. Profitant de ce moment d'inattention de la part de son ami, il fit avancer son joueur juste en face de celui de Romeo, un sourire en coin.

- Je sais pas, regarde, lui dit-il en désignant d'un mouvement de tête son écran pour qu'il puisse constater lui-même combien il était vivant.

D'un coup, Romeo se retrouve bouche bée, et Asa confus. L'expression de son ami était beaucoup trop exagérée pour ce qu'Asa croyait n'être qu'un coucou de son perso à celui de Romeo. Il n'était pas si nul que ça pour que le français ne puisse absolument pas croire à sa survie. Puis il se tourna de nouveau vers l'écran. Le perso de Romeo était mort. Et Asa compris vite que c'était lui qui l'avait tué. L'anglais resta interdit un moment, interloqué. Il était si nul que ça, qu'il avait appuyé sur la commande "kill" sans même s'en rendre compte ? Il pouvait comprendre que son ami soit agité, à lancer des jurons en français (il n'en comprenait que la moitié). Asa lui-même ne se sentait pas fier de l'avoir tué. Ce n'était pas son intention.

- En fait, j'ai pas fait exprès, lui répond-il. Je voulais juste te faire coucou...

Sa phrase fut ponctué par un gunshot dans le dos de son personnage. Qui fait le malin tombe dans le ravin, n'est-ce pas ! "Putain" s'exclame-t-il en français, pour reprendre les belles paroles de son ami.

- Bon, et bien, ce fut une belle partie ! conclut Asa sur un ton moqueur.

Il termina son verre et prit une poignée de céréales qu'il engouffra dans sa bouche. Une notification apparut sur son téléphone portable. C'était un mail de sa future colocataire qui lui disait qu'il ne pourrait finalement aménager que le 15 du mois.

- Oh, shit, murmure-t-il en lisant son mail. Je viens de recevoir un mail de ma coloc', je vais pouvoir emménager que le 15, mais je dois laisser ma chambre dans genre trois jours..., explique-t-il à Roméo

Très vite, il essaie de repasser dans sa tête toute les solutions qu'il peut avoir pour ne pas se retrouver à la rue pendant deux semaines.