Delicate | Sofia

« Lou Mercier ? Par ici je vous prie. » La française posa son attention sur l’homme de la réception qui lui indiquait l’ascenseur au fond du couloir. Dans un sourire poli elle le remercia de son service et attrapa sa mallette ainsi que son imperméable beige pour rejoindre l’appareil particulièrement moderne. Il était temps de passer au niveau supérieur dans sa carrière de photographe artistique et voilà qu’elle s’attaquait enfin au monde de la mode, voulant y peindre des visages de porcelaine ou des sourires éclatants qui juraient avec le sérieux de la tenue. Une fois dans la cabine, elle reposa le tout et réajusta son chemisier ainsi que son long pantalon taille haute qui affinait sa silhouette.

Elle avait ainsi contacté une agence qui avait accepté de travailler avec elle sur le projet et lui avait donné rendez-vous avec la modéliste afin de mettre à bien l’exécution de ses idées. Lou profita de sa montée pour répondre à quelques messages, demandant à Cora si elle était toujours partante pour leur déjeuner du lendemain puis rangea son téléphone au fond de sa poche, se saisit de ses affaires et quitta la cabine qu’elle jugeait trop petite. Lou n’avait jamais été amoureuse des ascenseurs, claustrophobe depuis toujours elle tentait sans cesse de les fuir. Elle se présenta à l’accueil et on la dirigea une nouvelle fois dans un couloir sans fin. « Merci bonne journée. »

Ses pas souples se perdirent sur la moquette du couloir interminable et son regard se perdit sur les portes espérant y trouver ce qu’elle cherchait. Si peu attentive au monde qui l’entourait, elle ne fit guère d’efforts pour esquiver une femme qui arrivait dans le sens opposé. Leurs épaules se heurtèrent et Lou sursauta suite à ce contact, se retournant à la seconde prête à s’excuser quand les regards se croisèrent. Il y avait bien quelque chose qui rendait fière la française, sa mémoire qui retenait chaque visage déjà croisé dans sa courte existence mais maintenant elle haïssait ce don.

Elle se rappela de ce fameux repas organisé par son amante Eliot, de cette bonne ambiance et de cette soudaine douche froide. D’une voix, d’un visage, d’une fuite. Cette fameuse femme que sa brune aimait et avait trompé avec elle. Sofia. Cette même Sofia qu’elle devait rencontrer pour son projet. Elle put presque discerner le sourire hilare de la malchance de l’autre côté du couloir. « Sofia Ricci ? »  

Ce matin je me suis levée tôt, encore. J'ai beaucoup de mal à dormir en ce moment. Probablement à cause de ma dernière rencontre avec Eliott... Elle me trotte dans la tête, encore et encore. Je n'arrive pas à l'oublier. C'est pourtant pas faute d'essayer ! J'ai beau me jeter à corps perdu dans le boulot elle est là, toujours là. Je bois une quatrième tasse de café et je vais au boulot. A la fin de la semaine on a un shooting de prévu, ce qui veut dire que j'ai une multitude de tenues à créer de toutes pièces. Heureusement le créateur à déjà fait les patrons, pour une fois qu'il n'est pas à la bourre... Enfin, je suis pas à l'abri que la veille du jour J il me file un nouveau patron parce qu'il a eu une "illumination et que cette robe nous propulserait tous dans une nouvelle dimension de la mode". Oui, il m'a déjà sorti cette phrase... à plusieurs reprises. Je le déteste. Mais je dois bien faire mon boulot après tout. Donc je rentre dans l'atelier et je me met à découper, coudre, broder jusqu'à ce que des rouleaux de tissu se transforment en des tenues splendides, dignes de figurer en couverture de magasine. Je surveille l'heure parce que j'ai bientôt rendez-vous avec une photographe qui veut soumettre des idées apparemment. Ce n'est pas vraiment mon boulot en règle générale mais ce connard de créateur déteste ce genre de rendez-vous parce que ça "parasite" ses propres idées. Oui, ridicule. Alors du coup c'est moi qui m'y colle. L'heure arrive. Je quitte l'atelier et je monte dans les bureaux à l'étage. Après avoir récupéré mes affaires je me dirige vers la salle de réunion. Jetant un coup d'oeil à ma montre je ne fais pas attention à la femme qui arrive en sens inverse et on se percute. Je ramasse le stylo que j'ai fait tomber avant de regarder la personne en question.

Je la reconnais immédiatement. Ce visage. Comment l'oublier ? Comment aurais-je pu oublier la traînée que j'ai trouvé au lit à côté d'Eliott ? Je sais que c'est méchant de la traiter de traînée, elle est peut-être très sympa au fond, mais à vrai dire je m'en fous. Je prends une grande inspiration. Il faut que je me souvienne que je suis au boulot. "Vous êtes mon rendez-vous de 10h je suppose ?" J'essaie de paraître naturelle mais je n'y arrive pas. Je dois paraître très froide, les mâchoires serrées et le regard froid. Je dois lui apparaître comme un monstre. Peu importe. "Suivez-moi." Sans lui accorder un regard je la conduis jusqu'à la salle de réunion. Je fais un vague geste de la main pour lui indiquer de s’asseoir et je prends place, sortant mon bloc-notes et mon crayon qui risque fortement de se briser en deux si je ne me calme pas. "Bien, on peut y aller, je vous écoute." Vivement que ce rendez-vous se termine. Je vais pas pouvoir supporter longtemps de voir cette tête en face de moi.

Le ton était froid, distant, professionnel, Lou n’en attendait pas moins de Sofia, quoi qu’étonnée de se voir toujours en vie. « Exact. » répondit-il quelque plus doucement. Elle ne montrait aucun signe de provocation ou de victoire sur son visage. Jamais Lou n’avait été heureuse de briser le couple d’Eliot parce qu’elle la savait heureuse avec cette femme, malheureusement elles n’avaient pas joué la carte de la prudence cette fois-là et elles en avaient payé le prix fort. Lou était restée proche d’Eliot et avait partagé son lit mais la considérait désormais plus comme une confidente que comme une amante.

Il n’était en rien difficile pour la française de comprendre le comportement de la modéliste qui devait sûrement se faire violence pour être polie à son égard alors qu’elle souhaitait peut-être tout bonnement la foutre à la porte. Sans un mot, elle la suivit dans le couloir pour rejoindre la salle de réunion. Son regard posé sur le dos de Sofia, Lou tentait de ne pas penser à tout ça, de se focaliser uniquement sur le but professionnel de sa venue. Elle s’installa alors simplement et posa sa mallette devant elle pour l’ouvrir d’un geste rapide. Lou osa un regard dans sa direction et hésita un instant avant de fermer la mallette. « Je suis désolée. » Les mots étaient sortis d’eux-mêmes et étaient tout ce qu’il y avait de plus sincère.

Il ne lui était jamais arrivé de présenter des excuses depuis que son cœur avait été brisée. Elle ne s’était jamais sentie coupable de rien avant sa rencontre avec Casey, avant que cette fille ne lui retourne le cerveau et fasse ressortir son côté humain qu’elle avait pris grand soin de fuir. Elle ne pouvait pas faire semblant de rien face à cette femme qui avait rompu suite à la mauvaise action de Lou. Elle aurait dû raisonner Eliot mais elle n’était pas stupide Lou, elle avait fait ça parce que ça lui avait plus, parce qu’elle était comme ça désormais et qu’elle ne pouvait vivre autrement.

J'essaie vraiment de me concentrer sur mon travail et sur notre réunion. J'aimerais dire que c'est par pur esprit de civilité mais en vérité je n'ai qu'une envie c'est que cette fille dégage d'ici. Plus vite ce rendez-vous sera bouclé, plus vite je pourrais l'oublier. Mais visiblement ce n'est pas dans ses plans puisqu'elle ne trouve rien de mieux à faire que de s'excuser et de rappeler haut et fort cette fameuse journée. Bien, au moins elle s'en souvient, c'est que ça ne devait pas être si anodin pour elle. Enfin, de tomber nez-à-nez avec la meuf qu'elle fait cocu. Je sais qu'elle essaye probablement d'être sympathique, mais mes traits se durcissent après ses excuses. En fait ça m'énerve plus qu'autre chose, et je sais que c'est assez irrationnel comme comportement mais je ne peux pas m'en empêcher. "Ça ne change absolument à rien d'être désolée, ça ne change pas ce qu'il s'est passé ou ce qui en a découlé. Ces excuses là, c'est juste une façon de vous déculpabiliser. Et franchement je ne vois absolument pas pourquoi j’apaiserais cette culpabilité." Je lâche ma réplique d'un ton froid et cinglant, comme une claque verbale. Ce n'est pas tellement mon genre d'habitude. En général je suis plutôt calme et douce, et puis j'ai mes épisodes "volcans". Mais le côté "glaçon méprisant" c'est une première. En même temps c'est aussi la première fois que je me retrouve dans ce genre de situation. "Bien, est-ce qu'on peut commencer maintenant ? C'est pas tout mais passer ma matinée avec la maîtresse de mon ex c'est pas vraiment ce que j'avais espéré." Je continue avec mon regard glacial et mon ton cinglant. Je m'en voudrais presque. Au fond je m'en veux un peu. Presque. Je sais plus, merde.

Un masque d’un neutre effrayant recouvrit la face furieuse de la française qui était sur le point de perdre patience, plus rien n’allait en ce moment dans sa petite vie et pour une fois qu’elle assumait ses erreurs, voilà qu’on lui crachait au visage. Lou ne s’était jamais laissée faire jusqu’auparavant, elle était toujours montée sur ses grands chevaux pour faire taire son adversaire, quitte à jeter de l’huile sur le feu pour avoir le dernier mot. Mais aujourd’hui, tout était différent, elle se devait de refreiner sa colère pour ainsi mettre à bien ses projets professionnels, sa réputation était en jeu et Cora ne pourrait pas la protéger. Plus maintenant.

Elle se contenta de sortir les dossiers de sa mallette et de les déposer au centre de la table pour que Sofia puisse s’en saisir. Elle inspira profondément, prête à parler mais l’italienne lâcha une dernière pique qui la fit tressaillir. Ne pas céder.  Ses doigts se resserrèrent sur son stylo qui gémit de douleur sous sa forte poigne. Ne pas céder. Lou se sentait déjà coincée devant une pente glissante qu’elle ne pouvait éviter, mais elle résista, elle se fit violence pour ne pas se laisser aller à ses émotions. « J’ai comme projet un portrait artistique dans le milieu de la mode. Beaucoup de mes projets portent sur les métiers cachés que l’on ne voit pas souvent lors des défilés ou autre évènements mondiaux. » Elle continua dans sa lancée, son regard ancré sur les schémas et autres exemples qu’elle lui avait fourni. « Je souhaitais alors faire appel à vous et à cette agence pour mener à bien mon projet. »

Elle leva son regard vers elle, toujours aussi froide et professionnel dans ses gestes et expressions. « Ce qui veut dire passer une semaine entière en votre présence et le reste de l’équipe. » Autant dire une semaine en Enfer avec la maîtresse de son ex aimée. Elle connaissait déjà la réponse Lou, aucune personne saine d’esprit n’accepterait de se piéger de la sorte.

Ce n’était pas mon jour visiblement. Je me rappelais très clairement de ma rencontre avec cette fille, et ça n’avait pas été exactement plaisant. Ni pour elle ni pour moi d’ailleurs. J’ai conscience d’être peut-être allée un peu loin avec elle, mais elle devrait comprendre que dans ce genre de situation c’est un peu compliqué de se montrer… quoi, calme ? Normale ? Je ne sais pas trop. Comment le saurais-je ? C’est pas comme si j’avais passé ma vie à me faire cocufier comme une idiote, aveuglée par “l’amour”. Et maintenant la voir là… Putain non mais je devais être maudite. Et pourtant, au lieu d’arranger les choses, voilà que je rajoutais de l’huile sur le feu. Dans le fond j’avais raison. Ses excuses ne changeaient rien. Mais c’était quand même un geste important de sa part non ? Quelle femme ayant été trompée avait vu la maîtresse de son ex lui faire des excuses ? Ce devait être le genre de truc assez rare. Et j’ai peut-être surréagi. Mais voilà, on passe à autre chose, sur le boulot. Je me concentre. Tentant désespéremment de ne pas casser le crayon de papier que j’ai à la main. Je finis d’ailleurs pas le poser sur la table, histoire d’éviter les accidents. Il faut croire que j’ai bien fait. J’aurais eu ce foutu crayon quand elle me disait son projet - et ses conséquences - que ce pauvre crayon aurait fini en miettes. Passer toute une semaine avec elle. “Ce projet est...” Je soupirais. Il fallait que je sois professionnelle, même si pour le moment ça m’irritait la gorge que devoir reconnaître que c’était une bonne idée. “Intéressant. Un angle pas souvent exploité… Mais avant d’accepter ou de décliner cette offre, j’aurais quelques questions.” Je pris le temps de noter quelque chose sur mon carnet. Notamment sa propositions et les questions qu’il fallait que je soulève. J’allais devoir faire un compte-rendu plus tard, autant avoir toutes les informations. “Quel est le but de ce portrait ? Est-ce que ce sera publié ? Si oui est-ce qu’un magasine est déjà intéressé par ce projet ? Et pourquoi faire appel à notre agence en particulier ? D’autres agences ont-elles été contactées ?” Je me tais et je relève les yeux vers elle avant d’ajouter: “Et quand votre relation avec Eliott a commencé exactement ?” Ah, ça c’était pas sur le bloc-notes par contre… “Rester professionnelle”, et bah on verra pour plus tard du coup...

Elle était prête à écouter son refus et à foutre rapidement le camp, passer à autre chose. Ses mains étaient prêtes à récupérer les documents pour les ranger dans la mallette, mais il n’en fut rien. Sofia reprit la parole mais ne cracha pas son venin, elle complimenta presque le projet sous l’œil étonné de la française qui ne pipa mot. La trêve serait de courte durée, elle le savait et préférait ne pas l’écourter davantage ? Lou joignit les mains devant elle et attendit les questions de la modéliste non sans une pointe d’appréhension. Elle regretta presque de ne pas avoir noté cette floppée d’interrogations et encouragea sa mémoire à s’en souvenir. Elle se redressa, se racla la gorge et de sa voix claire expliqua : « Je suis une photographe artistique. J’embellis le monde et je le fais découvrir. Par ce portrait, je fais d’une profession peu connue une source d’inspiration et d’admiration aux yeux des spectateurs. Je les détourne des mannequins retouchés, de cette vision faussée. Ce projet sera publié dans mes albums et exposé dans la galerie où je travaille. Je ne vends pas mes photos aux magasines. » Elle prit une pause, montra un exemple d’album vendu à la galerie ou dans les librairies puis poursuivit. « Votre agence est la seule qui n’a pas refusé ma proposition. » Puis vint le temps de répondre à l’ultime question celle qui avait manqué de la faire tressaillir, de la faire basculer sur la pente. Sofia ne lâchait pas l’affaire alors qu’elle avait affirmé le contraire quelques minutes plus tôt. Ceci laissait Lou perplexe, elle hésita un instant. « Je ne sais pas. Pourquoi ne pas lui demander directement ? »

“Je vois” dis-je simplement alors qu’elle m’explique son projet, son rôle en tant qu’artiste. J’ai comme l’impression qu’elle se la pète un peu. “J’embellis le monde et je le fais découvrir”, non mais elle se prend pour qui sérieusement ? Je dois bien reconnaître que son projet est louable, il pourrait être intéressant, mais je comprends pourquoi toutes les agences qu’elle a contacté ont refusé. C’est à peine un projet, on dirait qu’il n’est construit qu’à moitié, c’est dommage, mais c’est prometteur. Et je sais qu’il va falloir que je fasse un rapport complet à mon boss, et je suis pratiquement sûre qu’il va accepter. Le connaissant c’est tout à fait le genre de projet qui va l’emballer ! Il adore qu’on le prenne en photo, et je sais déjà qu’il va essayer de s’incruster dans le maximum de photos possibles, ou prétendre qu’il n’est qu’un employé comme les autres, qu’on est tous au même niveau et qu’on n’est qu’une grande famille qui partage la même passion, ce genre de débilité. Oui, c’est ce qu’il a sorti la dernière fois qu’il a été interviewé. Quel con. Je déteste ce mec. Mais je crois qu’en cette seconde je me déteste encore plus, parce qu’il a fallu que je revienne sur le sujet de cette fille et Eliott. J’aurais pas pu rester professionnelle et me la fermer ?! J’aurais envie de me filer des claques. “Comme tu dois t’en douter, Eliott et moi ne sommes plus vraiment… en contact.” Je soupire. Je n’ai pas envie de parler de ça. Je n’aurais pas du aborder le sujet. Tout ce que ça va faire c’est ramener des mauvais souvenirs à la surface, et j’ai vraiment pas besoin de ça en ce moment. “Mais..; oublions ça, revenons sur ton projet.” Est-ce que je la vouvoyais pas tout à l’heure ? Merde. Bon, tant pis, façon maintenant que c’est lancé… “Ton projet me semble prometteur mais j’avoue ne pas voir l’intérêt que l’agence aurait à participer à ce genre de projet.” Je dis simplement en refermant mon carnet. De toute façon j’ai déjà noté toutes les informations pertinentes. “Cependant ce n’est pas à moi de rendre la décision finale. Je vais donc en parler aux responsables et dès qu’on se sera concertés, on te tiendra au courant.” Je prie pour qu’ils disent non. Mais en même temps… Ah je ne sais pas. Cette situation me perturbe, je ne sais plus ce que je suis censée faire ou non ! “Si c’est possible, je voudrais garder l’album. Cela pourrait jouer dans la décision finale.” Rester profesionnelle. Oui, c’est bien. Allez, c’est bientôt terminé, on garde son calme et tout ira bien.

Lou se doute bien que les deux femmes ne se parlent plus mais c’est un moyen de se venger en retournant le couteau dans la plaie. Elle a voulu la jouer professionnelle, mettre les différends de côté mais Sofia n’a pas respecté ce petit marché, elle n’a pas voulu la laisser s’en sortir aussi facilement. Elle arque un sourcil quand elle soupire et croise les bras sur la table, préférant ignorer la souffrance personnelle de la modéliste pour connaître la réponse à sa requête. Chose qu’elles font assez rapidement au final ce qui rassure la française qui a eu peur pendant un instant que la réunion se transforme en guerre verbale. Elle pince les lèvres à sa réponse mais ça ne dure qu’une seconde, elle reprend rapidement une apparence de marbre. Son projet semble être destiné à ne jamais voir le jour, une éventualité qui lui donne envie de grincer des dents. Elle a temps donner dans ses idées et dans ce travail.

Elle se redresse et reprend le book qu’elle range soigneusement dans la mallette non s’en prêter une oreille attentive à ce que lui dit Sofia. Ses mains se figent sur le book et elle dresse un regard dans sa direction. Elle n’a pas de copie de cet album et une partie d’elle a peur que Sofia ne le jette ou le brûle. Une autre vengeance personnelle qui peut facilement l’atteindre en plein cœur, elle le craint malheureusement.  « Bien sûr. » Elle le sort de sa pochette et le fait glisser jusqu’à elle dans un sourire poli. « Prenez en soin je n’ai pas fait de copies. » Voilà Sofia le sait et elle peut en faire ce qu’elle veut désormais. « J’espère que la décision finale sera positive, j’ai beaucoup donné dans ce projet et je ne veux pas que des querelles personnelles viennent tout gâcher. »

J'avais tout sauf envie de m'occuper de ce projet. Déjà je n'avais pas eu envie de faire ce rendez-vous, alors quand je l'avais vue se pointer encore moins ! Mais j'étais complètement coincée. Il n'y avait rien que je puisse faire pour éviter cet Enfer. Enfin si je pourrais envoyer mon patron se faire foutre et de faire son sale boulot lui-même plutôt que de le donner à la plus compétente de ses modéliste qui pourtant n'a jamais eu, ni jamais demandé, d'augmentation, et qu'il faudrait peut-être remédier à ça. Oui, la phrase était bien trop longue, à coup sûr il ne comprendrait qu'un mot sur deux, enfin s'il daignait écouter... Quel connard. La remarque de Lou me fit revenir sur Terre, et pas forcément de la meilleure façon qui soit. Je n'aimais pas son ton ni son insulte à peine déguisée. Des "querelles personnelles". Bon, ok, j'admets que j'ai amené le sujet sur le tapis, mais au moins j'ai brisé la glace. C'était trop étrange de faire comme si rien ne s'était passé, comme si je n'avais pas vu Eliot la satisfaire sur notre canapé. Puis il y avait eu la façon dont elle avait voulu me frapper avant de s'en aller comme une lâche, ne me laissant même pas le temps de riposter. La rencontre avait été assez houleuse et j'estimais m'être montrée plus que convenable durant cette entrevue infernale. "Je ne suis pas sûre que querelle soit le mot adéquat. Mais comme je viens tout juste de le dire, ce n'est pas moi qui prends la décision. Je vais simplement exposer le cas." Je me lève et attrape le book qu'elle a posé sur la table. "Et le fait que j'ai demandé à avoir ton book devrait être une preuve suffisante que je ne vais pas descendre en flèche ce projet. Ou même si je le fais, le patron aura un visuel pour prendre sa décision sans avis extérieur." La voir ici m'énerve. Repenser à Eliot m'énerve. Penser à son patron m'énerve. Il faut que je sorte de cette pièce avant d'exploser. "Alors soit sûre de toi avant de dénoncer une éventuelle partialité." Je rejoins la porte d'entrée, il faut que ça finisse bon sang ! "Je suppose que tu te débrouilleras pour trouver la sortie ?"

Sofia n’est pas la seule à vouloir sortir de cet Enfer, Lou en a envie tout autant et elle se dit qu’il ne s’agit plus que d’une poignée de minutes avant de pouvoir prendre une grande inspiration bien fraïche. Elle se lève en même temps qu’elle, tout en rassemblant ses affaires. Elle ne lui accorde qu’un regard agacé ainsi qu’un hochement de sourcil. N’a-t-elle pas fini de toujours répéter toujours la même chose ? Heureusement oui que les disputes ne sont pas pris en compte par la direction, ça rendrait les choses bien plus difficiles. « Tu n’es pas obligée de monter sur tes grands chevaux tu sais ? Je préfère prévenir que guérir c’est tout. » répond-elle sans la moindre animosité, se contentant seulement de contourner le bureau pour être plus proche de la porte d’entrée. « Et je me débrouillerai pour quitter cet endroit. » Elle la suit du regard alors qu’elle trace sa route dans le couloir et Lou prend la direction opposée dans un lourd soupir. Elle s’empresse d’envoyer un message à ses patrons pour leur faire part de la situation délicate puis demande sympathiquement à un employé de lui montrer le chemin. Cinq minutes plus tard, Lou est enfin dehors et elle inspire un grand coup. Peut-être doit-elle prévenir Eliott ?

Fin du RP