you look perfect tonight | rusha

Cela fait plusieurs jours que je me suis installée chez Callie. Plusieurs jours que j'ère dans les rues de Los Angeles, espérant secrètement croiser Ruben. Il me manque tellement... Je ne l'ai pas vu depuis trop longtemps. Mais je crains qu'il m'en veuille. J'ai pris la fuite et on ne peut pas dire que mon départ s'est fait sans accroc. Et puis l'imaginer seul pendant un mois après ce qu'il s'est passé... Je me sens horrible de lui avoir fait ça. Mais aujourd'hui je vais mieux et je sais qu'il est temps que je rentre chez nous. Ou qu'en tout cas Ruben soit au moins au courant que je suis rentrée. Après tout il ne va peut-être pas vouloir que je reste ? Non, je me fais des films, il faut que j'arrête, il faut que j'aille le voir et que je le retrouve. Cette situation ne peut vraiment plus durer. Alors j'attrape ma veste et le jeu vidéo que j'ai acheté pour lui il y a quelques jours, et je sors de chez Callie, direction l'appartement. Dans le taxi je serre le jeu contre ma poitrine. Je ne sais même pas pourquoi j'ai acheté ça. Une sorte de calumet de la paix peut-être ? Même si je suis pas sûre qu'il faille faire la paix... Mon esprit est tellement embrumé quand je suis loin de lui ! Très vite j'arrive devant l'appartement. Je sais que Ruben est à l'intérieur. Mon coeur bat plus vite, il bat la chamade. J'ai tellement hâte de le revoir et en même temps j'appréhende nos retrouvailles. Mais le point positif c'est que je n'ai plus "peur" de retourner dans l'appartement, je ne suis pas préoccupée par ça. Je pense seulement à Ruben. Devant la porte j'hésite quelques instants. Je me prépare à toquer à la porte, oubliant à quel point c'est étrange de toquer à mon appartement. Et puis j'attends, le coeur battant. Mon coeur s'arrête quand j'entends des pas, que je vois la poignée tourner... puis enfin la porte s'ouvre sur lui. "Surprise ?" Je dis simplement d'une petite voix, un air désolé sur le visage, lui tendant presque automatiquement le paquet contenant le jeu vidéo.

Le quotidien n'est pas ce qu'on pourrait appeler un quotidien. J'erre, tout simplement. On m'a même forcé à prendre des jours de congés. Pourtant je vais mieux, pourquoi ne peuvent ils pas le voir ? Non ? Je prends sur moi, je fais tout pour travailler sur moi, je fais tout pour aller mieux. Mais c'est pas possible d'aller mieux quand on a le coeur meurtri. Je me réveille en pleine après midi, je joue jusqu'à trois heures du matin j'en oublie de me manger, de prendre soin de moi. Je ne me suis d'ailleurs pas rasé depuis plus d'une semaine et la barbe naissance commence à me gratter. Il serait temps que je l'enlève mais j'en ai pas envie. Après tout ? Pourquoi je le ferai. Pour qui je le ferai. Pour le chien ? Le chat ? Les partenaires de jeux que j'ai en ligne ? Non, ils s'en foutent. Et moi aussi concrètement. Alors je ne fais pas d'effort. Après m'être douché, j'enfile un pantalon de jogging et un tee shirt à l'effigie d'un super héro que j'adore. Mon côté geek faut croire. Je suis seul, je fais ce que je veux. C'est tout. Je sors du four la dernière part de pizza qu'il me reste et la fais réchauffer le temps de nourrir les bestioles. Une fois que c'est tout le monde est rassasié, je rejoins ma seule compagne de ces derniers jours, ma console de jeux. C'est parti pour une soirée et nuit de geekage. Au bout d'une heure, je suis interrompu par la sonnette de la porte. Je tente de me remémorer une commande bouffe quelconque mais rien ne me vient. J'ai peut être fait ça inconsciemment. Dans un soupir bien prononcé, je mets en pause la console et me dirige vers la porte que j'ouvre sans plus de cérémonie. Et là, c'est le bug. J'entends à peine sa voix. Mon regard est porté sur elle, puis sur le paquet qu'elle me tend. Je ne le prends pas et remonte mes yeux vers elle. Je suis à deux doigts de tendre le bras pour voir s'il passerait à travers elle. Comme un fantôme, comme un mirage. Pourtant elle est bien là, je sens son parfum, je sens sa chaleur. Alors je lève le bras, j'attrape le cadeau et je me décale de l'embrasure de la porte. Sans un mot. Parce qu'ils ne viennent pas, tout simplement. Dès qu'elle est entrée, je referme la porte et retourne m'installer sur le canapé, comme si de rien n'était. J'ai bien trop pris l'habitude d'être seul.

Pendant que j'attends derrière la porte mon coeur bat la chamade. J'appréhende sa réaction. En fait je ne sais pas du tout à quoi m'attendre. Je me doute que ce ne sera pas un accueil super chaleureux vu la façon dont on s'est quittés et je le regrette. J'essaie de réfléchir à ce que je pourrais lui dire quand il ouvrira la porte. Il faut que je trouve quelque chose de... de quoi ? Je ne sais même pas. Tout ce que je trouve à dire c'est "Surprise". Non mais quelle idiote ! Je lui tends le paquet et je le détaille. Il n'a pas l'air d'aller bien. Il est totalement débraillé, il a l'air fatigué et sa barbe naissante ne laisse rien présager de bon. Je dois bien avouer que ça lui va plutôt bien. Mais... je sais aussi que ça n'est qu'un signe extérieur de sa détresse. Jamais en temps normal il ne se négligerait. Pour l'instant j'ai juste l'impression qu'il a... abandonné ? Et évidemment ça ne fait qu'accroître ma culpabilité. Je le regarde le coeur battant, attendant qu'il dise quelque chose mais il ne dit rien. Il prend le paquet, me laisse entrer et retourne sur le canapé. Sans un mot. Et je crois que c'est encore pire que tout. Pire que s'il s'était énervé sur moi. pire que s'il m'avait simplement claqué la porte au nez. C'est comme s'il n'en avait plus rien à faire. Souvent on dit que la haine est le contraire de l'amour, mais non. La haine ou la colère, justement, ça montre qu'on a des sentiments pour la personne contre qui c'est dirigé. Non, le contraire de l'amour c'est l'indifférence. Et c'est ce qu'il est à cet instant précis: indifférent. Et bon sang, ça me brise le coeur. Je ne sais même pas quoi faire. J'ai l'impression d'être de trop, qu'il ne veut pas de moi ici. Je prend une profonde inspiration et je pose mes affaires sur le comptoir de la cuisine. J'ouvre les rideaux pour faire entrer un peu de lumière, et puis j'ouvre la fenêtre pour aérer un peu. Puis je ramasse les cartons de pizza, et autres emballages de plats à emporter, les canettes et bouteilles de bière, tout ces trucs qui encombrent la cuisine et la table basse et je met tout à la poubelle. C'est idiot, mais le ménage ça m'a toujours détendue d'une certaine façon. Et j'avoue que là je ne sais pas quoi faire d'autre. Je me sens stupide mais je continue. Je finis par me retourner vers lui, incapable de continuer plus longtemps. "Ruben je t'en supplie parle moi." Ma voix trahit ma détresse. Mon coeur se serre alors que je me rapproche de lui, je suis à quelques centimètres à peine. "Je suis désolée d'être partie, j'aurais pas du partir... je m'en veux tellement si tu savais mais..." Je soupire. Mes pensées se bousculent et s'embrouillent. J'ai envie de le prendre dans mes bras, de l'embrasser, de le sentir contre moi. Il me manque tant. "S'il te plait, dis quelque chose ! N'importe quoi..."

J'ai l'impression d'être dans un univers parallèle. A vrai dire, à force de jouer à tout ça, je pense que je me perds entre la réalité et la fiction. Sans le boulot déjà c'est compliqué de rester attaché à la vie réelle. Alors pour le coup... De la lumière prend place dans la pièce, une lumière que j'avais oublié. Elle m'est pas inconnue, c'est le soleil. Bizarre, je l'avais enfermé dehors celui là. Y'a une ombre qui bouge, autour de moi. Oui elle est là. Je tourne la tête, la vois qui s'affaire dans la cuisine, fait le ménage. C'est vrai que c'est le bordel par ici, je ne peux pas le nier. Je laisse tout en plan en m'imaginant que ça va se ranger tout seul. Au final c'est ce qu'il se passe. J'ai rien fait et pouf dans la poubelle. Bon c'est pas si drôle que ça. C'est surtout assez déconcertant tout ça. Vraiment déconcertant. Je commence à me rendre compte qu'elle est vraiment là. Mes yeux papillonnent et je l'observe bouger encore et encore. Quand elle en a fini avec le rangement, je me reconcentre sur la télévision, comme si mon jeu me captivait depuis de longues minutes alors que je ne sais même plus où j'en suis. Elle finit par s'asseoir à côté de moi et je la regarde. Même si mon regard semble la transpercer plus que la voir. "Ruben je t'en supplie parle moi." Je sais pas quoi dire, il est bien là le soucis. J'en sais rien. "Je suis désolée d'être partie, j'aurais pas du partir... je m'en veux tellement si tu savais mais..." J'aime pas la voir comme ça. J'ai juste envie de la prendre dans mes bras mais je ne sais même pas si j'en ai encore le droit. C'est con quand même non ? Ces deux anneaux à nos doigts sont bien là pour signifier que je peux, que c'est ma femme. Mais y'a un truc qui coince. "S'il te plait, dis quelque chose ! N'importe quoi..." Je prends une grande inspiration, un peu comme ci je n'avais pas respiré depuis un moment. Puis c'est un peu le cas. Depuis qu'elle est partie je ne vis pas vraiment. " Moi je ne t'en veux pas. " Ma voix est rauque, je ne sais pas depuis combien de temps je n'ai pas parlé. " Si t'avais besoin de partir alors tu as bien fait. " Oui, voilà tout. Même si quelque chose, une idée, une question, me passe en tête. " Tu as besoin d'affaires ou ... " Non, ça ne sort pas. Je ne veux pas me faire une fausse joie.

Enfin j'entends sa voix ! J'ai l'impression de ne pas l'avoir entendue depuis... depuis beaucoup trop longtemps. Et à l'entendre on dirait qu'il n'a pas parlé depuis longtemps non plus... J'ai de nouveau envie de pleurer, et en même temps de le prendre dans mes bras, de l'embrasser ou ne serait-ce que de le toucher. Mais... je ne sais pas si je devrais. C'est comme si je me demandais si j'avais le droit ! Pourtant on s'est dit "oui", et j'ai bien vu qu'il avait toujours son alliance. C'est important non ? Ça doit bien vouloir dire quelque chose ! Pourtant je reste comme une idiote à quelques centimètres de mon mari sans même oser le toucher. Je me sens ridicule, honteuse, coupable. Mais il me dit qu'il ne m'en veux pas, il me comprends, et rien ne pourrait me rendre plus heureuse ! Enfin... le ton qu'il emploie n'est pas des plus rassurants. Il ne m'en veux pas, mais est-ce qu'il tient encore à moi ? Est-ce qu'il m'aime encore ? Est-ce qu'il veut toujours de moi ? Il ne laisse rien paraître et ça me rend folle. J'ai toujours l'impression d'être de trop dans l'appartement. Comme si j'étais chez lui et plus chez nous. C'est horrible, je ne sais pas quoi faire. Et sa dernière phrase me fait l'effet d'un coup de poing en pleine face. Il ne veut pas de moi ici. J'en suis maintenant certaine. Je me sens idiote. J'aurais pas du revenir comme ça. J'aurais du simplement téléphoner. Oui, ça aurait été mieux. Moins dur à supporter. Parce que là, le voir... me rejeter comme ça... je le mérite je le sais, mais ça fait mal. Et je dois lutter pour ne pas me décomposer complètement. "Non je... enfin... j'avais pensé que je pourrais... revenir. Habiter ici je veux dire." Je ne sais pas pourquoi je lui dit ça. A croire que je tends le bâton pour me faire battre. Je ravale mes larmes et je me relève précipitamment pour retourner vers le comptoir du bar où j'ai déposé mes affaires. "Mais je n'aurais pas du... enfin... j'aurais du appeler. J'aurais pas du débarquer comme ça en... m'attendant à ce que tout redevienne comme avant." Je ne sais plus ce que je fais. Je ne sais plus ce que je dis. Je suis paumée. Mais je ne veux pas partir. Encore.

Je réalise enfin qu’elle est là. Qu’elle est bien là. J’avais oublié à quel point sa présence pouvait me faire du bien. J’ai tellement imaginé qu’elle soit là ces derniers temps que c’est compliqué de dissocier mon imaginaire de la réalité. Pourtant, elle est là. Et je dois m’y faire. Ma femme est rentrée chez nous. Mais je ne sais pas pour combien de temps pour l’instant. Je sais pas pourquoi elle est revenue en fait. Elle ne m’a pas prévenue, elle a débarqué comme ça et je ne sais même pas si elle s’attendait à me voir ici ou non. Peut être qu’elle voulait juste passer pour récupérer des affaires et peut être même toutes ses affaires. Alors j’en sais rien. J’attends sa réponse, j’attends de savoir. ” Non je... enfin... j'avais pensé que je pourrais... revenir. Habiter ici je veux dire. ” Je relève le regard et la fixe comme si elle venait de m’annoncer un truc improbable Parce que oui, ça semble totalement impossible. Du moins dans mon cerveau embrumé à cet instant. ” Mais je n'aurais pas du... enfin... j'aurais du appeler. J'aurais pas du débarquer comme ça en... m'attendant à ce que tout redevienne comme avant. “ Visiblement mon manque de réponse a du l’effrayer ou surtout la questionner. ” C’est chez toi alors tu viens quand tu veux. “ Oui, on est chez nous, y’a pas que moi. C’est autant son appartement que le mien. Même si j’y ai vécu bien plus longtemps qu’elle finalement. ” Tu veux boire quelque chose ? “ Comme si c’était mon invitée. Ou bien simplement je suis bienveillant, je sais pas trop. C’est plus un moyen pour moi de m’échapper vers la cuisine et fais couler deux cafés. Je ramène le tout vers le canapé et reprends ma place. Avec l’empreinte de mes fesses toujours présente. ” Comment tu .. enfin ça va ? “ Mieux, pas du tout, peut être un peu, je sais pas, je suis pas en état de lire en elle. Ou ne le suis plus pour le moment. Mais j’ai besoin de savoir.

J'ai vraiment du mal à savoir quoi ressentir. Je suis à la fois contente et soulagée que Ruben se remette à me parler. Mais toujours aussi triste et gênée, parce que même si ses mots se voulaient probablement gentils et rassurants, j'avais d'autant plus l'impression de n'être qu'une invitée ici. "Tu viens quand tu veux". "Tu veux boire quelque chose?" Oui, j'avais l'impression de n'être qu'une simple invitée, pas forcément très désirée. Ce que je pouvais parfaitement comprendre. Après tout j'étais partie, je l'avais abandonné... Je ne pouvais plus que faire face aux dommages que j'avais moi-même causés. "Je veux bien un café," je réponds doucement esquissant tout de même un maigre sourire. Je le regarde se diriger vers la cuisine, ou plutôt fuir. J'ai l'impression qu'il me fuit. Je ne peux pas l'en blâmer mais... Si seulement je n'étais pas partie ! J'ai juste l'impression d'avoir tout gâché entre nous et ça me tue. Ironique quand on connait ma... situation. J'attends que Ruben ai fait les cafés et les ramène dans le salon. J'attrape le sucre et je le rejoins. J'en met deux dans mon café et je sens déjà ma gorge se serrer quand il me pose la question qui tue. Cette question lourde de sens. "Je... Ça va... mieux." Je plonge me nez dans mon café avant de finalement poser la tasse. Il faut que je sois honnête avec Ruben. Notre relation en dépend après tout. Du moins j'en ai l'impression. "Je déteste dire ça mais partir ça m'a... vraiment aidée. Evidemment je... j'y pense toujours, je crois pas que ce soit quelque chose qu'on peut oublier... Mais disons que... j'arrive à surmonter ça." Je soupire. Oui, maintenant je ne passe plus mes journées à pleurer, à repenser encore et encore à l'accident, au visage de Ruben qui m'annonce... la nouvelle. Oui, j'arrive à ne plus y penser. Enfin, trop y penser. "Mais d'un côté je m'en veux... J'aurais du essayer de surmonter ça avec toi. Je suis désolée... de pas avoir été là." Je baisse les yeux et j'inspire avant de poser doucement ma main sur sa cuisse. Comme pour lui montrer que je veux être là pour lui. Que je peux être là pour lui. "Toi, comment ça va ?"

J'essaye d’emmagasiner tout ça, de bien comprendre chaque mot qu'elle prononce. Parce qu'elle me dit qu'elle revient à la maison hein je suis pas sourd c'est bien ce qu'elle a dit. Mais ça a encore du mal à percuter là haut. Un café. Elle veut un café. Très bien, je me dirige vers la cafetière, fais couler ce café donc. J'en fais un pour moi aussi, tant qu'à faire. Un de plus, un de moins, je suis plus à ça près. Je reviens m'installer près d'elle avec le plateau et cherche à en savoir un peu plus. Savoir comment elle va. Faire la conversation quoi. C'est bizarre, j'ai l'impression qu'on a la discussion de ces gens qui ne se connaissent pas réellement. C'est con. " Je... Ça va... mieux. " Bon et bien c'est déjà ça je suppose. Je laisse échapper un "hum" en toute réponse. Y'a un truc qui va pas là dedans. " Je déteste dire ça mais partir ça m'a... vraiment aidée. Evidemment je... j'y pense toujours, je crois pas que ce soit quelque chose qu'on peut oublier... Mais disons que... j'arrive à surmonter ça. " Un léger sourire prend place sur mes lèvres. Si ça lui a fait du bien alors...Je tente de m'en persuader. " Mais d'un côté je m'en veux... J'aurais du essayer de surmonter ça avec toi. Je suis désolée... de pas avoir été là. " Je suis plutôt d'accord avec ça mais bon, c'est trop tard maintenant. " T'en fais pas. " Je ne vais pas plus l'accabler, à quoi ça servirait de toute façon. Je bois mon café et manque de m'étrangler en sentant sa main sur ma cuisse. Même à travers le jean, je peux sentir la chaleur. Cette chaleur qui m'a tant manqué. " Toi, comment ça va ? " Tiens, question à laquelle je n'ai aucune réponse. Alors je hausse les épaules. " Ca va. " J'en sais rien mais bon c'est ce qu'on dit en toute circonstance alors... Je dépose ma tasse, pose ma main sur la sienne et serre ses doigts entre les miens. " Enfin non. J'en sais rien. Ouais ça va je suis en vie hein c'est déjà ça. " On va dire que j'ai su me nourrir, mal; que j'ai dormi, un peu. " Je suis en congé. Forcé en fait. Donc je bosse plus. " Oui bah à force de errer comme un zombie dans les couloirs...

Comment je pourrais ne pas m'en faire ? Il ne va pas bien. Je ne suis pas aveugle. Certes en partant j'ai détourné le regard de sa détresse, de toute façon j'étais plus centrée sur la mienne. Dans un sens je le regrette et je sais que jamais je ne pourrais effacer ça, mais je ne veux pas l'abandonner encore, je ne peux pas. Seulement, que suis-je censée faire exactement ? Marcher dans son sens ou tenter de le faire réagir par tous les moyens ? Il y a quelques temps j'aurais connu la réponse à cette question, j'aurais su exactement quoi faire. Maintenant je suis perdue. Perdue et débordante de culpabilité. Il m'assure que ça va, mais je vois bien que c'est faux. C'est alors qu'il pose sa main sur la mienne. D'abord j'ai peur qu'il la retire, dans une tentative de s'éloigner encore plus de moi. Mais non. Il la serre. Rien que ce petit geste pourrait me tirer quelques larmes. De bonheur ou de tristesse, à ce stade là je ne sais plus trop. Un mélange des deux probablement. Avec une pointe de soulagement, parce que je me dis qu'il y a encore de l'espoir pour que tout ça s'arrange. Je ne sais même pas quoi lui répondre. Il n'a pas vécu pendant mon "voyage", il a à peine survécu. Se terrant dans l'appartement, volés fermés, ne se levant que pour aller payer le livreur. Je l'imagine bien. Malheureusement. Je laisse échapper un soupir, mais c'est plus pour me donner du courage. Car je commence à m'approcher doucement de lui pour l'enlacer. Je sais qu'il a besoin de réconfort, du réconfort auquel il n'a pas eu droit pendant mon absence. "Je suis désolée, je ne le répéterais jamais assez..." je murmure avant de me redresser. "Je vais t'aider..." comme j'aurais du le faire. Mais je laisse la seconde moitié de ma phrase en suspens, de quoi lire entre les lignes. "... enfin si tu veux bien de moi. Je... je ne veux pas aggraver les choses entre nous, au contraire." Pourquoi est-ce si difficile de lui parler ? Ce que ça peut me manquer notre complicité ! "Il faut juste que tu en aies envie toi aussi..." Envie... comme l'envie qui me démange de toucher son visage, de le sentir contre moi, de l'embrasser. Bon sang s'il savait à quel point il me manque et à quel point ça me tue d'être si près de lui et à la fois... si loin. J'aimerais que tout ça ne soit jamais arrivé, que ce ne soit qu'un mauvais rêve, un terrible cauchemar. Et j'aimerais m'en réveiller. A ses côtés.

Je commence à réaliser qu’elle est là. Elle est vraiment là. Elle est revenue. Elle est rentrée. Je suis quelque peu perdu mais content. Oui, je suis content. Je percute. Je réponds aux questions qu’elle me pose même si je suis toujours en phase d’éveil. Je tente d’être honnête. Parce que je ne peux pas lui mentir. Paraît que ça doit être comme ça dans un couple alors soyons un couple. Désunit mais couple quand même. Je la sens se rapprocher de moi et puis venir m’enlacer. Je me raidis pendant quelques secondes avant d’enfin apprécier sa chaleur contre mon corps. ” Je suis désolée, je ne le répéterais jamais assez… “ Je hoche la tête doucement. Je sais qu’elle est désolée et je ne lui en veux pas. Elle a fait ce qui était le mieux pour elle. C’était sa décision, j’ai juste pas su l’accepter. C’est mon problème au fond. Ou peut être que le problème fut qu’elle n’a pas pensé que je pourrai lui être suffisant pour affronter cette épreuve. C’est peut être pour ça qu’elle s’excuse. Mais même si c’est le cas, je ne lui en veux pas. ” Je vais t'aider… enfin si tu veux bien de moi. Je... je ne veux pas aggraver les choses entre nous, au contraire. “ J’ai l’impression de perdre toutes mes barrières. De briser cette carapace dans laquelle je m’étais enfermé. Il n’y a qu’elle pour arriver à faire ça. Il n’y a qu’elle pour réussir cet exploit. ” Il faut juste que tu en aies envie toi aussi… “ Elle continue de parler et je me rends compte que je n’ai pas prononcé un mot depuis un moment déjà. Elle parle toute seule. C’est embêtant. Mais je sais pas quoi dire. C’est comme s’il n’y avait plus de mot. Alors pour toute réponse, je me tourne vers elle, attrape son visage et l’embrasse. Baiser chaste tout d’abord, juste pour me rappeler du goût de ses lèvres. Puis une fois la sensation retrouvée, j’intensifie le baiser, je retrouve ces gestes ô combien simples que j’ai fait une multitude de fois. Tout semble retrouver son ordre. Tout semble retrouver sa place.