The Supers are back | Valma

« Alma, du courrier pour toi. » La tartine est déposée dans l’assiette et Alma dresse un regard en direction de son père mais ce dernier a déjà repris sa route. Elle pousse un soupir agacé, n’aimant pas quand le paternel fourre son nez dans ses affaires et l’envie de foutre le camp de cette maison ne fait que grandir de jour en jour, malheureusement déménager impliquer de vivre officiellement avec Victor et la peur d’une demande en mariage l’effraie. Et puis ils n’ont pas suffisamment, c’est l’argument qu’elle rabâche souvent pour gagner du temps. Elle a beau être amoureuse de cet homme, les récents évènements l’ont détourné de sa route première. Ses doigts se saisissent de l’enveloppe après qu’elle ait mis son travail en pause. « Voyons voir… » Elle glisse le stylo dans ses cheveux pour en esquisser un chignon. Son regard parcourt rapidement les lignes et ses lèvres se pincent au fil de la lecture. Ce n’est absolument pas le bon moment pour ça, clairement pas. Elle peste et s’empresse de ranger ses affaires.

« Je sors ! » Alma enfile une veste par-dessus son débardeur et couvre ses pieds d’une simple paire de baskets, elle se fout bien de son apparence, elle va rejoindre Victor et il l’a déjà vu pataugeant dans la boue alors bon. Elle grimpe dans le vieux pick-up et fait vrombir le moteur. Les doigts s’enroulent sur le cuir et le pied se pose sur la pédale, et là vient cette vague d’hésitation qui la fige, la glace. Son regard reste ancré dans le rétroviseur et son reflet semble la juger. Peut-être est-ce un coup du destin ? Après tout, ce dernier n’aime pas que l’on se fiche de lui ou qu’on tente de le duper avec de mauvaises manigances. Or, Alma s’est jouée de lui de la pire des manières et comprend lentement qu’elle ne peut pas échapper à la sentence. Le pied écrase la pédale et le véhicule s’élance sur la route. Peut-être est-ce également un moyen de se faire pardonner ? De laver cette fidélité souillée ? Elle s’est promis toute sa vie, s’est jurée d’être une femme fidèle, compréhensive, aimante et voilà qu’elle a rompu cette promesse en une après-midi. Le goût amer de la culpabilité agresse sa gorge.

Il lui faut bien une heure de bouchon avant de se garer dans le parking de l’hôpital. La portière claque et Alma attrape son sac sur le siège passager. A cette heure-ci, Victor doit être en pause dans les quartiers des internes. La lettre sous le bras, elle se présente à l’accueil en donnant son nom et sa relation avec le médecin en question. On lui indique le couloir à sa droite et elle s’y engouffre sans sourciller. Elle n’a pas le temps de réfléchir, elle n’a pas le temps de tout remettre en question. Son cœur est certes déchiré mais il continue de battre, survivant de cette trahison. Elle tend l’oreille à la recherche de murmures de conversations et des éclats de voix répondent à son enquête. Elle s’arrête alors devant la cafétéria et y glisse son regard. Victor est bien présent, tout sourire, un café dans la main. « Victor tu peux venir s’il te plaît ? » Leurs regards se croisent et il vient la rejoindre avec ce petit sourire qu’il n’offre qu’à elle. Lentement, elle se dresse sur la pointe des pieds pour lui voler un baiser puis ôte la lettre de l’enveloppe pour la lui montrer. « Ils demandent notre aide aux Philippines. »

Victor avait commencé tôt sa journée à l’hôpital, ou plutôt la clinique de l’hôpital. En tant que médecin généraliste, il n’était pas de ceux qu’on voyait la nuit dans l’hôpital – ou très rarement – et il passait plus de temps à faire des consultations qu’à s’occuper des patients une fois que ceux-ci trouvaient le chemin d’une chambre, sauf si le patient le demandait expressément. Le reste du temps il voyait surtout les patients défiler et il les aidait à s’en sortir. Et ça, il en avait un bon nombre. Il les aidait en général du mieux qu’il le pouvait et il était apprécié de la plupart, avec son sourire de beau gosse et sa sympathie qui les mettait tous à l’aise.
Il se montrait de la même façon toujours très sympathique avec les infirmières, ce qui faisait que le personnel de la clinique l’appréciait énormément. Tout le monde savait que pour le moment il n’était là qu’en remplacement, le temps qu’un autre des médecins se remette de sa crise cardiaque ou qu’il retourne à l’étranger avec Médecins sans Frontières, mais la rumeur voulait que l’administration souhaite l’engager pour de bon. Pour sa part Victor n’écoutait pas particulièrement les rumeurs, mais il devait avouer que si on venait lui proposer demain un poste fixe, peut-être qu’il dirait oui. Il voulait commencer à construire sa vie, et pour ça il devait commencer par chercher un travail plus stable – entre ses dettes qu’il devait partiellement rembourser et le fait que Médecins sans Frontières ne paye pas tant que ça, il devrait bientôt faire un choix.
Toutefois quelque chose l’en emêchait pour le moment. Chaque fois qu’il amenait l’idée sur le tapis, Alma semblait soudainement être demandée ailleurs ou essayer de le distraire autrement. Il n’était pas stupide et il comprenait bien que quelque chose la gênait. Il ne la poussait toutefois pas. Pour autant qu’il sache ça n’avait que rarement amené du bon de tenter de découvrir les secrets bien gardés de sa chère et tendre.

Il terminait de s’occuper d’un jeune garçon venu avec sa mère, lui offrant une sucette lorsqu’il partit, quand son remplaçant pour le midi vint le voir. Il sourit à David rapidement, discuta quelques minutes avec lui, avant de quitter la salle et de rejoindre d’autres collègues pour le déjeuner à la cafétériat de l’hôpital. C’était une journée plutôt lente pour la clinique et il s’étira longuement alors qu’il faisait la queue pour aller acheter de quoi manger. Une fois l’échange de nourriture fait, il alla s’installer à une table avec ses collègues.
La discussion allait bon train alors qu’ils mangeaient, certains autres docteurs de l’hôpital les saluant rapidement. Son regard vagabondait sur les visages autour d’eux, tantôt tristes, tantôt neutres, rarement heureux. C’était pour ça qu’il préférait travailler comme médecin généraliste, entre autre. Moins de tragédies entraient et sortaient de son bureau. Il se souvenait encore quand il avait dû travailler comme résident. C’était probablement les années les plus sombres de son parcours de médecin.
Finalement son regard se posa sur une silhouette qu’il connaît bien alors qu’il vient à peine de se rasseoir après être allé chercher son café. Il se lève dès l’instant où elle lui demande de lui parler quand elle arrive à porté, et s’excuse auprès de ses collègues pour s’avancer vers la belle latina. Il avait un sourire un peu idiot aux lèvres alors qu’il essaye d’avancer sans renverser son café n’importe où. Il se pencha vers elle pour un baiser rapide et plissa les yeux quand un raie de lumière vint le frapper au visage quand une fenêtre plus haut fut poussée.
« Aux Phillipines ? Maintenant ? Je viens tout juste de commencer le remplacement du Dr. Grant. »
Il posa la tasse qu’il tenait sur la table juste à côté, vide de toute personne, en fronçant les sourcils. Son regard suit les lignes de la lettre.
« Qu’es-ce que tu compes faire ? Tu as encore ta thèse à faire, sans parler de es élèves. »
Lui-même n’était pas certain de ce qu’il voulait faire. Les Philippines… Il avait envie d’y aller, réellement, mais voilà, il commençait à s’installer dans sa vie ici et à trouver une petite place dans la ville des anges, et s’il devait l’admettre, il n’était pas exactement friand de l’idée de devoir repartir. Il avait envie de commencer une carrière et une vie avec Alma. Après tout, ça commençait maintenant à faire quelques années qu’ils étaient ensemble. L’envie de continuer avec elle se faisait plus forte que jamais. Mais aux Philippines ? Ce n’était pas exactement ce qu’il avait imaginé.

La lettre est arrivée comme un cheveu sur la soupe, Alma le sait et tente du mieux qu’elle peut de ne pas paniquer, de ne pas laisser ses émotions la guider dans ses actions. Elle n’est plus sanguine, elle a appris à se contrôler, à réfléchir avant de foncer tête baissée. Enfin à quelques exceptions près, elle ne peut pas prendre comme exemple son aventure avec Maxyn. Un secret qu’elle garde honteusement et précieusement au sein de son cœur, qu’elle camoufle dans son regard chargé d’une flamme douce et tranquille lorsqu’elle regarde son petit-ami. Mais lorsqu’il dort et qu’elle prend le temps d’admirer ses traits si innocents, elle ne peut s’empêcher d’exprimer du dégoût envers elle-même, parce qu’il a toujours été là pour elle, parce qu’il l’a aidé et que même si son cœur bat follement pour la blonde, elle ne peut mentir sur son amour pour Victor.

Sa réaction la surprend, la laisse pantoise comme un pantin qu’on cesse de manipuler. Il ne lui est pas inconnu que son brun possède l’envie de se poser, d’avoir quelque chose de stable, mais elle connait sa passion pour le voyage, cette vitalité d’aider les autres, c’est pourquoi ce quasi refus la laisse perplexe. Elle range la lettre dans son enveloppe et la pose sur la table, la tassa ayant désormais une merveilleuse compagnie. Alma glisse son regard vers sa main mais décide finalement de croiser les bras, soufflant sur une mèche rebelle qui lui chatouille la joue. « Les professeurs ça se remplace et c’est une passion commune. » Même si elle voit cette demande comme un échappatoire, il n’empêche qu’elle ne peut refuser d’aider des enfants dans le besoin, parce que c’est cette activité qui lui a permis de changer, de passer outre sa rage adolescente et de rencontrer Victor. « Tu veux que j’y aille seule ? » Un sourcil s’arque sur son front.

Elle a besoin de temps pour réfléchir, pour faire le point sur ses sentiments et sur les évènements. Elle a laissé Maxyn aller trop loin dans son esprit, lui a laissé une place trop importante et confortable dans sa poitrine, de quoi la rendre folle la nuit, hantant ses rêves et son avenir. Et puis ça lui permettrait également de faire un bilan -en quelque sorte- sur sa relation avec son petit-ami. Ils ne peuvent nier tous les deux qu’une distance s’est installée, qu’elle les nargue de ses grands yeux innocents et que les draps paraissent parfois froid alors qu’ils sont l’un contre l’autre.

Victor comprend que sa réaction puisse surprendre Alma. Après tout il s’était lui-même toujours montré passionné par son travail humanitaire, et il l’était encore. Il se demandait juste s’il ne pouvait pas attendre un peu plus longtemps avant d’y retourner. Le temps de retrouver un équilibre avec Alma, au moins, ou plutôt de le trouver. Ils n’avaient jamais vraiment eu le temps de se poser jusqu’à aujourd’hui et Victor commençait à se demander si ça arriverait un jour.
Il suit l’enveloppe du regard et écoute ce qu’a à lui dire Alma. Il remarque bien son attitude, sur la défensive, là où ils ont toujours été ouverts l’un à l’autre lorsqu’il s’agissait de prendre des décisions ensemble. Mais depuis quelques temps c’était toujours comme ça. Cela faisait au moins une semaine qu’elle ne l’avait d’ailleurs pas laissé le toucher, et il commençait à s’en inquiéter bien qu’il ne voulait pas faire le mec lourd à essayer de lui demander du sexe ou à lui faire des remarques. Après tout c’était son corps, elle faisait bien ce qu’elle voulait. Mais même avant, quand ils partageaient leurs draps, les choses n’étaient plus pareil.
Victor commençait à se poser des questions. D’autant qu’il savait à quel point ça pouvait être facile de se laisser reprendre par son passé.

Il fronce à peine les sourcils lorsqu’enfin elle propose de se rendre seule sur le terrain. Il la regarde longuement, et durant une seconde il croit ne pas reconnaître Alma avant de revenir à lui. Il examine les traits de la jeune femme puis il pousse un soupir. Il rentre les mains dans les poches de sa blouse blanche, comme si de rien était, et il vient trouver appuie sur la able où l’enveloppe et la tasse sont déjà en train de développer une relation. Une jambe tendue, une repliée, il prend le temps de la réflexion. Il n’a pas envie de se précipiter dans une réponse facile qui ne conviendrait au final ni à l’un ni à l’autre.
Il tend la main vers Alma et agite un peu les doigts pour qu’elle vienne prendre sa main. Lorsque c’es chose faite, il pivote pour venir prendre l’autre et la ramener entre ses jambes. Il es toujours installé contre la table. Il vient lier les deux mains d’Alma devan lui et dépose un doux baiser sur chacune d’entre elles avant de relever les yeux vers son aimée, à qui il offre un sourire tendre. Ous ces gestes, ses attentions, c’était toujours comme ça qu’il faisait passer son amour à Alma. Il savait que ça marchait mieux que mille et un ‘je t’aime’ qui n’apportai ni chaleur ni réconfort par rapport aux bras rassurant qui pouvaient l’entourer la nuit.
« J’ai envie de vraiment commencer ma vie avec toi, Alma. Ce n’es pas un secret. J’ai envie qu’on s’installe ensemble dans un appartement tranquille, loin de tes parens, quand bien même je les adore, et que découvre cette merveilleuse aventure qui consiste à fonder quelque chose. À deux. »
Il tient toujours ses mains entre les siennes et les caresse du pouce, avant d’en lâcher une et de venir caresser sa joue d’un geste tendre.
« Mais c’est aussi la plus belle des aventures de repartir avec toi aider ceux qui en ont le plus besoin. Donc non, si tu y vas, je ne te laisserais pas partir seule. Je te suivrais. » Il se leva et vint déposer un baiser contre son front. « De toute façon, tu sais très bien que c’est toi qui porte la culotte dans cete relation, » la taquina-t-il avec un bref rire.

Alma ne voulait pas se fermer à lui, c’était hors de question qu’elle le fasse, mais elle venait clairement de le faire. En même temps, elle ne pouvait clairement pas lui avouer le pourquoi de la chose. Il était délicat d’annoncer à son petit-ami qu’elle avait franchi le pas avec une jolie blonde qu’elle connaissait depuis des années et qu’elle n’avait jamais cessé d’aimer. Ca sonnait comme une parfaite trahison et surtout donner l’impression à son amoureux qu’il n’était que le lot de consolation, chose qu’il n’était bien sûr pas. Elle l’aimait comme elle n’avait jamais aimé personne, et la preuve était que tout homme la dégoûtait d’ordinaire et que pourtant voilà bientôt deux ans qu’ils étaient ensemble et qu’ils filaient le parfait amour, c’était ironique la vie un peu. Elle le regarda s’installer alors que la lettre et la tasse devenaient plus proches qu’eux. Mais elle ne tarda pas à rejoindre Victor quand ce dernier tendit les doigts vers elle, il la connaissait par cœur, elle ne pouvait résister à sa tendresse. Elle se blottit contre lui avec un petit sourire, ignorant les petits regards curieux des collègues dans l’autre pièce, ils pouvaient être jaloux de Victor, il avait une déesse comme petite-amie.

Mais elle dut retenir une grimace de peur quand il lui avoua qu’il voulait passer aux choses sérieuses. L’engagement avait toujours été quelque chose qui effrayait la latina parce que ça sonnait comme une prison pour elle et elle ne voulait pas s’y enfermer volontairement, mais le temps passait et elle savait qu’elle ne pourrait pas vivre éternellement comme un électron libre. « Je te comprends complètement pour les parents. » C’était une épine dans le pied qu’ils s’étaient mis en venant crécher chez eux, mais ils n’avaient pas eu d’autres solutions et même si l’idée de vivre loin d’eux lui plaisait énormément, c’était également synonyme d’emménager avec lui. Elle pressa sa joue contre la paume de sa main et l’écouta sans rien dire pour ensuite lui voler un long baiser, enroulant ses bras autour de sa taille pour fourrer ses mains dans les poches de sa blouse de médecin. « Je suis le Daddy de cette relation. » ricana-t-elle en lui tirant la langue, se retenant de faire un autre commentaire salace. Ce n’était ni l’endroit ni le moment pour ce genre de choses. « Alors partons ensemble ? Je te propose un deal. » Elle se recula pour lui tendre son petit doigt.

Elle ne savait pas trop ce qu’elle était en train de faire mais l’improvisation c’était son truc parfois. « On part aux Philippines pour notre dernier voyage humanitaire et quand on rentre on trouve notre appartement. » C’était dangereux, très dangereux de promettre une telle chose alors qu’elle ne pouvait pas s’arracher Maxyn de l’esprit, qu’elle en rêvait et lui parlait constamment. Mais comme une fille naïve, Alma pensait que ça finirait par passer. Elle planta son regard brûlant dans celui de Victor, un sourire en coin plaqué sur les lèvres.

Victor n’avait aucune idée de ce qu’il se passait sous les cheveux de sa petite amie ; il sentait bien sûr qu’elle s’éloignait, il sentait qu’elle changeait, qu’elle lui échappait mais il ne comprenait pas pourquoi, n’avait pas envie de toute façon. Il se disait que sa tendresse et leur amour suffirait, avec de la patience, à ce que les choses s’arrangent. Elle affirma le comprendre concernant les parents, et il hocha doucement la tête. Il savait que dans la culture latine les maisonnées multi-générationnelles n’étaient pas rares, surtout lorsque l’argent manquait, aussi il appréciait qu’Alma comprenne également son point de vu sur le sujet.
Qu’elle rebondisse sur sa plaisanterie le fit sourire et il la regarda alors qu’elle tirait la langue, riant alors de bon cœur. Il en profita pour déposer un baiser contre son cou, juste sous l’oreille pour ne pas trop la provoquer. Il la suivit du regard lorsqu’elle s’éloigna, fut bien incapable de détâcher ses yeux des siens même lorsque le mouvement de sa main aurait dû attirer son œil, et il l’écouta.
Un deal.
Il réfléchit un instant à la proposition. Un dernier voyage humanitaire et après ils s’installaient ensemble. C’était une bonne solution, un compromis qui allait dans son sens. Et puis ça leur donnerait l’occasion de renouer, de se redécouvrir de nouveau, et pour Alma de réaffirmer celle qu’elle était devenue. Les changements chez elle, les réversions tout du moins, n’avaient pas échappées non plus à Victor. Elle sortait tard, buvait, sa douceur s’estompaitau fil du temps comme si le passé la rattrapait. Là où il faisait erreur, c’était que le passé n’avait jamais quitté Alma.

Il regarda le petit doigt tendu puis avec un sourire vint lier le sien à celui-ci, précautionneux.
« D’accord, on fait ça. » Il réfléchit un peu plus, hésita une seconde, préférant faire attention à ce qu’il disait, être certain que ses paroles ne seraient pas mal interprétés. « Par contre… ce n’est pas impossible que je doive trouver du boulot dans une autre ville, tu sais ? Pour le coup quitter mon poste alors que je viens juste de le prendre sera probablement dommageable pour ma carrière dans cette ville. »
Victor haussa toutefois les épaules. Tant pis, c’était un sacrifice qu’il était prêt à faire pour Alma. Il offrit un sourire à sa petite amie et rompu le lien de leurs petits doigts après lui avoir volé un baiser rapide, mais comme toujours doux, n’éloignant pas son visage immédiatement alors qu’il restait penché vers elle. Il rentra les mains dans ses poches de blouse et la regarda dans les yeux de nouveau.
« Tu restes quand même déjeuner avec moi ? » proposa-t-il avec le sourire. « La nourriture de la cafétérit n’est pas la meilleure mais ça ne devrait pas nous faire de mal. »
Et puis comme ça ils pourraient commencer à organiser leur voyage, décider de leur plan d’action. Il avait besoin de savoir exactement quand serait le départ et les détails de la mission avant de pouvoir prendre les décisions appropriées.

Les petits doigts étaient liés et comme Rogue, Alma ne pouvait rompre la promesse au risque de mourir de la pire des manières. Elle venait de signer un pacte qu’elle ne pouvait conclure, elle le savait, elle n’était pas idiote, loin de là, mais l’espoir faisait vivre et nourrissait chaudement son cœur. Elle se passa une main dans les cheveux et ne cessa de se dire que c’était une bonne idée, que c’était l’unique solution possible pour la survie de leur couple, mais d’un autre côté voulait-elle vraiment cette survie ? Elle avait comme à cette impression qu’elle tentait de sauver un bateau déjà victime d’un naufrage. Alma leva la tête vers lui et lui rendit son sourire, les mains quelque peu tremblantes. « Merde… » Un soupir échappa d’entre ses lèvres et lentement, elle se détacha de lui après le bref baiser. C’était complètement con, l’avenir se dessinait devant ses yeux, alors pourquoi ça persistait à cogner comme ça dans son esprit sérieusement ?

Elle glissa un regard dans la salle de repos et sourit aux collègues, ses mains dans les poches arrière de son pantalon. Rester manger ? Pourquoi pas, peut-être que ça lui changerait les idées de partager un repas avec les amis de son copain ? Ca changerait des temps passés à deux où elle ne faisait que culpabiliser. « Ca marche, tu sais j’ai connu pire que la bouffe de cafétéria. » Elle avait connu la nourriture de la garde à vue pendant deux jours, mais c’était son petit secret, son petit ami ne pouvait être au courant d’une telle chose. Elle se saisit de la main et rejoignit le reste des médecins, les saluant de sa voix chaude et claire, témoignant d’un enthousiasme si bien joué que même Victor ne pouvait voir le masque qu’elle venait d’enfiler. Le sablier s’était renversé, et c’était comme si elle pouvait entendre chaque grain de sable tomber.