bad meeting - Alondra+Sofia

C’était un soir plutôt triste, pour l’Italienne. Comme à chaque fois, comme en chaque jour, elle n’espérait qu’une chose, réussir à oublier sa belle Eliot, son ex, réussir à tourner la page. Ou a lui pardonner. Elle ne savait jamais. Son cœur et sa tête s’affrontaient dans un conflit éternel. Fallait-il lui pardonner, et tenter de la récupérer ? Parce qu’elle était la femme de sa vie, la seule avec qui elle s’était posée, la seule qui faisait encore battre son cœur, malgré le coup de poignard dans le dos qu’elle lui avait mis ? Ou fallait-il passer à autre chose, la détester, détester sa trahison, et cette femme, et ces possibles autres femmes, passées dans son lit, dans leur lit ? C’était là les questions qui l’obnubilaient. Elle l’aimait, et elle le savait. Elle la détestait aussi, et elle le savait. Elle n’en dormait plus, ou presque plus, car à chacun de ses rêves, c’étaient des souvenirs, bons ou mauvais. Et à chaque fois qu’elle se laissait dormir trop longtemps, c’était avec les yeux humides qu’elle se réveillait, ou avec une larme cachée. Chose qu’elle exécrait plus que tout, n’aimant pas être faible. Jamais elle n’aurait cru, avant de rencontrer la Donovan, qu’elle pourrait pleurer pour une femme. Elle avait déjà pleurer un chagrin d’amour, certes, mais là, c’était différent. Elle pleurait, non pas sa relation passée, mais son amour perdu, son amour traitre. Cette femme qui faisait tant battre son cœur, qu’elle le serrait.
C’était vraiment un soir bien triste. Et même le maquillage n’avait pas pu cacher ses cernes. La direction l’avait bien vu, et elle se retrouvait avec un jour de repos. Mais elle ne voulait pas. Elle ne pouvait pas. A part le travail, la clope et les quelques heures de sommeil qu’elle s’autorisait, elle n’avait rien d’autre dans sa vie. Plus rien d’autre. Qu’allait-elle faire, un jour entier ? Voir Cora ? Pourquoi pas… Mais cette dernière, elle, n’avait sûrement pas un jour entier à lui accorder, vu son métier bien prenant. Voir des amis ? Elle pourrait, bien entendu, mais chacun de ses amis et chacune de ses amies connaissaient surtout le couple qui avait éclaté. C’était bien difficile de se retrouver face à eux, qui ne pensaient qu’à parler de sa relation brisée.
Non. Elle n’avait pas besoin de ses amis. Enfin. Elle pensait qu’elle n’en avait pas besoin. Toujours cette idée d’image forte, de femme forte. Il fallait qu’elle passe outre Eliot, ou qu’elle pardonne à Eliot seule. Elle ne se voyait pas demander de l’aide. Elle ne demanderait pas d’aide.

Sauf l’aide de l’alcool. Elle aurait bien pris une cigarette, là, mais son paquet était vide, et il était tard. Elle ne pourrait sûrement pas en acheter avant le lendemain, donc c’était tout naturellement au planet qu’elle s’était dirigée. Car au planet, au moins, elle connaissait des gens qui ne se souvenaient pas d’elle que dans le couple Eliot+Sofia, mais qui l’avaient connue alors qu’elle avait un petit boulot de barmaid. Quand il avait fallu payer ses études. Et puis, en règle générale, le planet était un lieu de vie convivial et sympathique, accueillant toujours les nouvelles têtes. Ou les anciennes. Une fois au bar, elle commanda un verre de whisky. Elle n’en buvait pas généralement, cet alcool lui mettait bien trop souvent la tête sans dessus dessous. Mais là, elle en avait besoin. Il fallait bien qu’elle s’occupe, en plus. Et une gueule de bois pour le lendemain, ce n’était pas cher payé pour éviter de trop penser à celle qui lui avait brisé le cœur.

Alors qu’elle obtenait son verre, et payait, offrant un joli sourire, un beau masque qu’elle s’efforçait de montrer, elle regarda la boisson. Et l’odeur vint rapidement titiller ses narines. Cela faisait tellement longtemps qu’elle n’avait pas bu un whisky, qu’elle n’était pas sûre de tenir le verre entier. Et bien que l’idée du cul sec lui effleura l’esprit, elle choisit plutôt la prudence, et but gorgée par gorgée, tout en regardant autour d’elle. L’animation était au rendez vous, au moins, elle ne serait pas perdue, broyant du noir, dans ses pensées.
Et ça, c’était sans doute la meilleure chose de la soirée.