Can I ask you a question ? | Saerina

Ca faisait des jours, des jours que l'idée me trottait dans la tête, ma nouvelle oeuvre, je réfléchissais encore et encore, épuisant un nombre impressionnant de pages. Dessins, mots, synopsis primaires, tout défilait, prenant petit à petit forme sous mes yeux, ça n'est qu'avec le vaillant héroïsme des services de livraison de pizza que je survivais encore. Comme à mon habitude, je pouvais être plutôt passionnée, passant aisément d'un selfie pour mes fans à des heures de silence radio sur les réseaux sociaux et la société. Cela ne me dérangeait pas foncièrement, je n'étais pas la personne la plus sociable qui existait, surtout lorsque je travaillais, tant de projets, de possibilités. Je soupirais plus d'une fois au fil des jours, imaginant les scénarios possibles, policier sous couverture ? Fille en quête de vengeance d'un homme assassiné ? Pauvre femme dans les griffes de trafiquants humains ? Non, tout ça paraissait bien trop cliché, je devais donner une image à ma strip teaseuse, une probable, palpable, authentique. !

Cela ne voulait dire qu'une chose, je devais mieux comprendre le monde du strip tease, je devais devenir strip teaseuse ! Enfin, tout du moins parler à une strip teaseuse, oui cela irait aussi, je prenais néanmoins le temps de redécouvrir la compétence sommeil, une chose qui pourrait m'être utile pour survivre. Mais très bientôt mes pas m'amèneraient près de mon objectif littéraire ! C'est après ce qui avait semblé être des jours de sommeil bien mérités que je mette en recherche d'un moyen pour parler à une strip teaseuse. Internet ? Non, le contact humain serait certainement bien plus profitable pour nous deux, c'est donc avec une détermination sans faille que je cherchais l'adresse d'un club de plutôt bonne qualité, le SoudWaves ? Il possédait de plutôt bonnes critiques et semblait être un endroit plutôt propre, ça m'allait, un passage dans ma garde-robe et je choisissais mon accoutrement du soir.

Les repérages étaient...comment dire...éprouvant, oui c'est bien le mot, je pense que j'aurais dû penser au fait qu'il y aurait des strip teaseuse dans un club de strip teaseuse. Mais également qu'elles travailleraient, ce qui est peut-être quelque peu perturbant, disons qu'une mort par déshydrations suite aux litres que j'ai dû baver n'aurait pas étonnant. Evidemment la plupart des gens présents étaient des hommes, même si certaines femmes se démarquaient parmi les clientes, bisexuelles, pansexuelles, lesbiennes ou simplement curieuses, cet endroit transpirait l'envie et le plaisir. Mon amour des femmes n'était pas une chose cachée et je remerciais mon bon sens d'avoir quitté le Japon, au moins aucun journaliste ou fan iraient me chercher dans ce genre de lieu dans cette ville. Je restais toute la soirée, observant une à une les danseuses, leurs mouvements, leurs positions, leur grâce, elles étaient douées, je pouvais aisément le voir.

Se mouvoir ainsi demandait de la technique, mon passé d'idol me le rappelai bien, lorsque j'y pensais, mon métier et le leur n'étaient pas si différents, danser pour attiser la convoitise des gens. La seule différence était que je chantais et possédait plus d'habits, mais finalement, même inavouée, je devais être un objet de fantasme pour les hommes. Brunes, blondes, rousses, caucasiennes, afro-américaines, même asiatiques, les danseuses s'enchaînaient, libérant la passion, aussi bien dans la foule que dans mon esprit. Mais celle qui attirait mes yeux, c'était cet Arc-en-Ciel ambulant, charmeuse, aux couleurs flamboyantes, impossible de détourner mes yeux d'elle, j'adorais son style. Je dois avouer que j'étais restée plus longtemps que prévue, observant ainsi les danseuses avant de retourner dans mon appartement tard dans la nuit, me mettant de suite au travail, les dessinant. Maintenant que j'avais une bonne vision de leur style, je devais passer plus de temps à observer leur danse et moins à baver, ce serait pour un autre jour !

Je retournerais au club dès le lendemain, mon carnet en main, gribouillant sans arrêt des notes sur mon chemin, me dirigeant machinalement vers le SoundWaves, du moins avant le grand boum. Surprise, violence, je ne pouvais qu’observer impuissante à ce qui semblait être la scène d’un film, je passais le bras autour d’un poteau à proximité, évitant de justesse tomber à terre. Relevant rapidement le visage vers celle qui m’avait bousculé, écarquillant un peu les yeux en voyant qui c’était, Arc-en-Ciel ! Je me reprenais rapidement, riant légèrement, nerveusement bien sûre. « Ce n’est rien, rien du tout, je vous ai aussi foncé dessus, je peux être tellement distraite parfois, une vraie tête en l’air, c'est tout moi. » Je prenais le temps pour l’observer, elle était vraiment magnifique de si près, même sans tout son maquillage et ses effets, je n’avais pas prévue de déjà aborder les danseuses, mais c’était une occasion rêvée !

Je lui souriais timidement, encore un peu sonnée, passant de manière gênée ma main dans ma chevelure avant de reprendre. « Je ne voudrais pas vous déranger plus que je ne l'ai déjà fait en vous percutant, mais je m'appelle Saeko Kimura, j'écris actuellement un manga sur le monde du strip tease. Je me souviens vous avoir vu au SoundWaves l'autre soir et je me demandais si vous voudriez bien me renseigner sur le sujet, si ça ne vous dérange pas bien sûre. » Je lui sortais ma bouille la plus mignonne que j'avais en réserve. « J'offre le café... » Je passais rapidement un doigt sur mes lunettes, les remontant nerveusement plus haut sur mon nez, bien heureuse de ne pas les avoir fait tomber avec ce remue-ménage. Oubliant totalement que je n'avais pas encore ramassé mon carnet de dessin remplie de représentations de danseuses du Soundwaves juste à côté.

Ça avait marché, ça avait marché ! J'étais excitée, extatique, j'aurais pu sautiller partout et embrasser ma toute nouvelle compagne de route, non pas que cela aurait été raisonnable. J'étais quelqu'un de raisonnable, observant et suivant les gens tard le soir à la sortie de leur lieu de travail, d'accord je sais comment ça sonne, mais j'étais réglo. Je me détendais immédiatement, sentant toute la tension quitter mon corps pour revenir en flèche alors que je remarquais ma partenaire ramassait le carnet, seulement. Bon, cela était moins bizarre maintenant qu'elle savait que j'étais une dessinatrice, mais tout de même, je remerciais le fait qu'elle ne soit pas curieuse, je n'aurais pas voulu l'effrayer. Je voulais passer plus de temps avec elle, pour qu'elle me renseigne évidemment, professionnalisme oblige ! Je me dépêchais donc de ranger le carnet dans mon sac à main, écoutant avec attention la dénommée Katarina, il n'était pas bien difficile de voir qu'elle n'était pas d'ici.

Cela tombait bien, moi aussi je n’étais pas d’ici, même si je n’arrivais pas à situer son accent au passage fort charmant, peut-être que le sujet tomberait au cours de notre futur discussion. Mais d’abord je devais essayer de ne pas fondre devant l’adorable rire de ma compagne Arc-en-Ciel, il va s’en dire que j’étais quelqu’un facilement influençable en matière de femmes. Leurs sourires, leurs rires ou même le simple son de leur voix me faisaient craquer, je n’écrivais pas aussi souvent du yuri pour rien, les hommes étaient sympa, mais les femmes, je ne pouvais pas résister. Mais Katarina n’attendait pas de moi que je reste sur place à la regarder comme une ébahit, mais que je lui réponde, une cigarette ? Je roulais des yeux, soufflant avec amusement, une sacrée compensation pour une bousculade, je tendais la main à mon tour, m’emparant d’un des bâtonnets. « Vous êtes déjà toute pardonnée, la faute est partagée, le plaisir aussi. »

Je lui faisais un clin d'œil, réussissant l'exploit à être totalement imperméable au sous-entendu que j'avais sorti sans faire attention, profitant du briquet de la strip teaseuse pour allumer la cigarette. Je la rejoignais assez rapidement dans son activité de bouffée nocive, les gens pouvaient parfois être étonnés de me voir céder à l'appel de ce genre de plaisirs coupables. Mais être une idol est une activité stressante, impitoyable pour l'esprit, c'était un miracle que je ne fasse pas pire ! Je me souvenais encore des titres des journaux lorsqu'une photo de moi une cigarette à la bouche avait été prise, quel modèle pour les jeunes, d'autant plus pour une femme, un beau tabou au Japon. Mais j'en fichais royalement, adorable ou non, je prenais ce que je voulais, entre autre une longue bouffée de nicotine, emboîtant le pas à ma compagne, l'amenant vers notre destination. « Ne vous inquiétez pas, je sais exactement où nous pourrions aller, vous allez voir, vous allez adorer, je vous le garantis ! ».

J’étais excitée, très excitée, l’enthousiasme pouvait se voir, se lire, s’entendre, se deviner, tout le champ lexical de Saeko la passionnée était présent, le trajet ne serait pas très long, quelques minutes tout au plus. Je connaissais l’endroit idéal, café, crêpe, gaufre, le meilleur ami de l’artiste n’ayant pas le temps de se faire à manger et voulant chopper le diabète, l’endroit parfait ! Je me tournais vers ma compagne, continuant à mener le chemin. « Je vous remercie encore de m’accorder de votre temps, vous ne le regretterez pas ! Bien sûre si vous désirez plus qu’un café, j’offre aussi le reste, crêpe, gaufre, il y a de tout, j’espère que vous allez aimer autant que j’aime vos magnifiques cheveux. » Une seconde de silence puis un rire sortait de ma bouche, pourquoi j’avais dit ça ? Je commençais sérieusement à douter de mes capacités à maintenir une conversation en cette soirée…

Heureusement ma compagne ne me prenait pas pour une sorte de tueuse en série, je veux dire, l'aborder en pleine nuit pour l'amener dans un lieu secret puis complimenter ses cheveux ? Je n'aurais pas fait chose pareille lorsque j'étais célèbre ou même désormais, j'espérais seulement que Katarina ait perdu tout sens commun face à mon charme et ne soit pas elle-même une tueuse en série ! Maintenant que j'y pensais, je devais penser à mettre de côté l'idée pour un manga, elle pourrait être intéressante, quoi qu'il en soit j'aimais ses cheveux. Il faut beaucoup d'assurance pour se colorer ainsi la crinière, la chose n'était pas si rare de l'autre côté de l'océan dans les groupes de pop, j'avais moi-même plusieurs fois expérimenter. Mais je trouvais grandement amusante la vision de ma partenaire effrayant des petites mamies sans défense, le grand croquemitaine colorer, elle pourrait me croquer quand elle le voudrait en tout cas.

Je roulais des yeux mentalement devant tant de faiblesse et continuait à l'intérieur du magasin, prenant place dans un coin. « On peut toujours compter sur les petites mamies, pour désapprouver notre mode de vie, mais j'insiste, j'abuse déjà largement de vous et de votre gentillesse. » Je relâchais mordillais brièvement ma lèvre inférieure avant de sourire. « Et si on partageait en deux ? Comme ça on aura autant abusé l'une de l'autre, pas de culpabilité, seulement vous, un gros muffin et moi. » Je prenais la même chose que ma compagne à l'approche de la serveuse, excepter que je prenais un milk shake à la fraise au lieu du café et ajoutait un muffin au chocolat...et une gaufre...et des cookies. Oui j'étais connue pour être un estomac sur patte. Il était parfois étonnant pour les gens de voir une personne de ma petite stature de manger autant, surtout de sucreries, mais j'aimais manger et je semblais ne jamais grossir, donc la nature m'appréciait plutôt bien.

La serveuse était repartie aussi rapidement qu’elle était arrivée et je me retrouvais seule avec Katarina, assise sous les néons, pouvant enfin un aperçue d’elle sans sa capuche et avec luminosité. Elle était vraiment parfaite, les cheveux, les traits de son visage, même démaquiller elle imposait de sa présence colorée et chaleureuse, j’étais vraiment contente de lui avoir foncé dedans sans faire exprès. Je contemplais encore quelques instants la strip teaseuse avant d’enfin aborder le sujet de ma présence. « C’est juste que la seule image des strip teaseuses vient des films, j’aimerais avoir une approche recherchée sur le sujet, pas seulement un stéréotype réchauffer depuis des générations. Je veux vraiment savoir et comprendre, pourquoi elles font ce métier ? Qu’est-ce qui les a amenés à le faire ? Aiment-elles le faire ? Comment vivent-elles ? » Je roulais des yeux. « Désolée, je suis un peu passionnée quand je travaille, je suis vraiment admirative de vous et des personnes pratiquant votre profession, vous exposer ainsi devant les gens, cela demande du courage. »

Je le savais, à un degré différent bien sûre, mais à une médiatisation bien différente également, je n’avais pas réellement bien vécue cet aspect de mon ancien métier. J’aimais vraiment danser et chanter et avoir l’impression que les gens supportaient mieux leur vie grâce à mes représentations, c’était un des meilleurs sentiments du monde, un sentiment vite étouffé sous les autres aspects du métier. Je soufflais doucement. « Etre un objet de désir, constamment sexualiser pour le plaisir des gens, je sais que ce n’est pas facile, encore plus lorsqu’on n’a pas compris ça avant de l’être. » Je commençais à parler de moins en moins d’elle et de plus en plus de ma propre expérience, heureusement la serveuse revenait avec son café et mon festin. Je n’attendais pas, coupant en deux le muffin et le tendant à ma compagne. « Je ne vous force pas, mais prenez autant que vous voudrez, j’en ai largement pour faire une overdose de sucre, la gourmandise est un de mes vices et je la partage sans problème.» Mon sourire revenait à la charge, semblant effacer toute la dramatisation qu’il y avait pu avoir précédemment, j’étais en bonne compagnie et je devais en profiter !

J’étais fière de moi-même, je pouvais rajouter tentatrice à la liste de mes compétences, même si ce n’était pas en soi une grande découverte lorsque l’on me côtoyait plus intensivement. Ce n’est pas car j’ai l’air timide et adorable que je ne sais pas me faire plaisir et faire plaisir à mes interlocuteurs, c’est donc avec enthousiasme que je voyais ma compagne prendre sa part légitime de muffin. Mais enfin les choses sérieuses pouvaient commencer, c’est donc avec la plus grande attention que j’écoutais et observait la femme à mes côtés, écoutant, sentant, imaginant le récit. Une vie précaire, ingrate, un métier où personne ne la respecte, elle est jolie, talentueuse, se disant pourquoi pas, cela ne pourrait pas être pire. C’est une artiste et elle ne laissera pas le monde dicter sa vision de la vie, donc chaque soir elle sort, mouvant son corps au rythme de la musique.

Enchantant les hommes, les clients, devenant un instrument de désir, de pouvoir, mais elle ne danse pour eux, elle danse pour elle, se prouvant à elle et au monde qu'elle peut le faire, qu'elle est talentueuse. Une vraie succube dont nul n'a le choix de la résister, leurs sens n'étant plus leur, mais à la merci de cette capricieuse séductrice, libre comme l'air, mais toujours cloué au sol par ses propres désires. Je la voyais se dérouler devant moi, j'en avais oublié de manger, l'imagination bouillonnant à la place, atteignant des sommets, prisonnière de son récit, de son existence fantasmée derrière paillettes du spectacle. Katarina était intéressante, passionnante même, tant de choses à lui demander défilaient dans mon esprit, tellement qu'il était bien difficile de se décider sur la marche à suivre, mais la rejoignait bien vite dans la conversation. « L'Homme aime que la femme soit attirante pour lui, pas pour elle, son corps est sacré, elle ne peut donc pas en disposer d'elle-même, il est réserver pour d'autres. C'est tabou car la femme ne se repose pas sur un autre, c'est son choix, elle n'est plus dans un mécanisme de contrôle minutieusement mit en place par la société. »

La voici, Saeko la passionnée, l’activiste, celle qui parle et qui parle et n’en a rien faire que les gens s’en fichant, elle a des choses à se dire. Elle a des choses à dire et c’est donc immédiatement qu’elle se reprend devant une jolie fille, activisme – 0. « Je suis désolée, je me suis un peu emportée, ce n’est que mon avis bien sûre, mais je vois exactement de quoi vous parlez, ce tabou est même parfois présent sans que l’on se déshabille. » Il suffisait de voir comment l’on traitait les membres des girl’s band, elle n’allait souvent pas aux même extrémités que strip teaseuse, mais le respect était bien souvent oublié lorsqu’on parlait d’elles. Je me souvenais enfin des sucreries à proximité, prenant une grosse gorgée de mon milk shake et commençant à attaquer le reste de mon festin. « Je suis heureuse de voir que vous avez réussi à trouver une voie qui vous épanouit un minimum, je dois dire que je ne pouvais pas quitter votre performance des yeux.»

Je lui souriais, le sourire s’effaçant rapidement alors que le rouge montait  crescendo sur mes joues. « Parceque vous êtes très talentueuse et jolie et que vous dégagez une aura particulière sur scène et magnifique et je vais arrêter de parler. » Je n’attendais pas, prenant un cookie et le fourrant dans ma bouche, voilà, je ne pouvais plus dire de bêtises, il me suffisait maintenant de laisser glisser et finir sous la table. Personne n’irait me chercher là-bas, même si les jambes de Katarina étaient plus bas et je ne pouvais de nouveau pas m’empêcher de penser des bêtises, j’étais vraiment une incapable ! J’espérais que je ne ferais pas fuir ma compagne avec mes épanchements dignes d’une lycéenne, heureusement la gêne avait tendance à faire ressortir mes expressions les plus adorables, toujours une aide précieuse.

J’étais ridicule, ici toute gênée, un cookie dans la bouche au milieu de la nuit car je ne pouvais pas m’empêcher de dire n’importe quoi à ma compagne. Au moins l’effet joue de hamster rendait plutôt bien sur moi, c’était déjà cela, puis Katarina semblait bien aimer ce qu’il se passe lorsqu’on voyait ses réactions. Très agréable de discuter avec moi ? J’en étais bien heureuse ! Il faut dire que je n’étais pas la meilleure pour discuter, toujours à dire des choses bizarres, c’était d’autant plus vrai lorsque je suis sous tension comme lorsque de cette soirée si spéciale. Je trouvais également très agréable de discuter avec ma partenaire, elle était intéressante, semblait pleine de vie même après avoir passé sa soirée à danser, puis l’ambiance qu’elle dégageait, son style. Je devais arrêter, j’allais me remettre à fantasmer, mais le résultat de ses paroles avait au moins le mérite de détendre mes petits muscles rebelles.

J’essayais lentement de mâcher la cookie, mettant vaguement la main devant ma bouche pour pas que de miettes n’en sorte à cause du volume du cookie, la très gracieuse Saeko. Je conservais mon attention sur Katarina, l’écoutant parler de sa collègue, une strip teaseuse chanteuse ? Cela serait effectivement une vision incroyable à avoir ! Cela va de soi que le cinéma, le chant et la danse étaient des activités qui m’intéressaient au plus haut point, malgré nos démêlés passées. Je n’avais pas honte d’avoir été actrice, d’avoir été idol, je ne regrettais pas d’avoir quitté ma petite ville pour poursuivre cette voie, divertir les gens, repousser mes limites, ça avait été un bonheur. Même si cela avait fini par me pourrir la vie et aller chercher l’inspiration et l’épanouissement dans une autre activité, c’est la réaction des gens qui m’avait fortement déçue. Mais j’avais gardé une partie de mes fans, même lorsque j’étais passée au manga, continuant à me suivre et me soutenir, cela voulait beaucoup dire pour moi.

En tout cas, je laissais le hamster de son cage, ayant fini de mâcher avec précaution le cookie, avalant ma bouchée, la faisant suivre d'une gorgée de milk shake. J'en apprenais plus au passage sur ma compagne, une vie normale mais décalée ? Je pouvais dire que je comprenais parfaitement ce concept, c'était la définition même de mon existence, c'était bon d'humaniser et relativiser une strip teaseuse. On avait tendance à les voir comme des objets de mystère et de fantasme, cultivant une vision tronquée de la réalité, oubliant souvent qu'elles sont simplement des femmes comme les autres. Même si cette affirmation était bien dure à croire en observant Katarina, ce n'était pas une femme, non pas comme elle avait prononcé mon nom, avec son sourire à en tomber par terre. Succube, sirène, sorcière, déesse, j'étais enchantée, si c'était une manœuvre pour me faire revenir au club, ça marchait à la merveille !

Elle n’était pas sexy, son être tout entier était envoûtant, même avec ses habits qui sont pourtant actuellement l’antithèse de l’attirance, elle était tellement douée ou était-ce innée ? Quoi qu’il en soit, j’essayais avec difficulté de ne pas plus rougir, continuant la discussion comme si de rien n’était. « Je vous remercie de répondre à mes questions, je trouve également très agréable de discuter avec vous, même si vous essayez de m’attirer dans l’antre du vice, pour une chanteuse qui plus est, j’adore la chanson ! » J’essayais de prendre un air sérieux, seulement quelques secondes avant que je ne mette à rire,  pas de regard du jugement pour cette soirée on dirait. « Je dois dire que votre technique de fidélisation du client est hors pair, mais il ne faut pas m’inviter, je serais trop tentée de venir la rejoindre juste pour chanter à ses côtés, ce serait gênant. »

Un sourire, un mordillement intense de ma lèvre inférieure, le regard rivé sur ma compagne voulant satisfaire Saeko Kimura, la tentatrice, rien qu’à y repenser mon cœur chavirait. « Et concernant ce que vous pouvez faire pour satisfaire Saeko Kimura… » Je m’avançais un peu, resserrant légèrement l’espace entre nous, là, yeux dans les yeux, sentant la chaleur doucement monter dans tout mon corps alors que j’imaginais la chaleur de sa peau un peu plus loin. « Vous pouvez...» Je m'approchais un peu plus. « ...partagez mon repas…dévorez tout ce qui peut vous satisfaire Katarina-san... » Je remontais doucement ma main, lui montrant la moitié de gaufre que j’avais soigneusement coupée plus tôt. Je pouvais moi aussi jouer les vilaines séductrices, derrière ma face timide et adorable, il fallait seulement me lancer d’abord généralement.

Seule, rougissante, flamboyant de mille feux devant un simple rapprochement, dire que je savourais le moment serait un mensonge, j’exultais, devinant le moindre frémissement de ses muscles sensible. Notre rencontre avait été bien insolite, ayant eu lieu depuis peu de temps, pourtant je me sentais pousser des ailes avec Katarina, la magnifique strip teaseuse, habituée à faire frétiller les hommes comme du poisson. Pourtant elle était ici, sur cette banquette, essayant de s’enfoncer jusqu’au royaume des morts, son corps tout entier se teintant de rouge, ses muscles se crispant, attendant. Ma compagne était peut-être celle qui avait initié le jeu, mais je me plaisais à me dire que j’en contrôlais désormais le déroulement, oh combien sa respiration chaotique pouvait me procurer de la satisfaction. Je la voyais essayant d’articuler de simples phrases, elle était adorable, je pouvais sentir mon cœur battre la chamade alors que je l’observais essayer de se débrouiller, essayant d’imaginer le chaos que pouvait être son esprit.

Sadique ? Moi ? Seulement terriblement flattée que cette magnifique, talentueuse, intéressante et gentille femme s’intéresse autant à ma personne, ne pouvant pas m’empêcher de sourire en voyant à quel point elle était mignonne. Ma compagne avait refusé ma gaufre, tant pis, je pouvais la finir toute seule, même si j’avais oublié de me retirer après avoir reçu ma réponse, triste oublie n’est-ce pas ? J’observais la strip teaseuse griffonner son numéro à la hâte, visiblement impatiente que je le possède, savourant chaque petite gêne émanant d’elle, essayant de ne pas fondre sur place. Je pouvais bien être adorable et conserver un peu mon numéro de séductrice pour le moment, j’étais sûre que cela ne dérangeait pas mon interlocutrice, loin de là, actrice et girl’s band, j’étais née pour ça. Une fois finit, je prenais délicatement le papier, relâchant un petit rire en le lisant. « Strip teaseuse ? Vous aviez peur que je vous oubli ? Je vous rassure, je me souviendrais parfaitement de vous contrairement au nombre de questions que j’ai dû oublier, il est fort probable que je prenne à mot votre offre de se revoir…pour le travail. »

Je sortais mon portable de mon sac à main, enregistrant rapidement le numéro dans mes contacts, retournant ensuite le téléphone vers ma partenaire, toute excitée. Nom du contact : Rainbow Queen ; image de profil : une adorable licorne. Je trouvais que cela lui correspondait tout particulièrement et je n’étais pas peu fière de l’enregistrement de ce contact, puis cela offrirait une pause bien méritée à Katarina, je la sentais creuser le sol à force de s’enfoncer. C’est tout sourire que je reprenais la conversation. « Mais pour en revenir sur la reine du club, vous me donnez vraiment envie de passer la voir, malgré le risque de finir à chanter sur la scène. Voir même danser, même si je doute pratiquer la même danse que vous, ce serait au moins une bonne occasion de vous voir, j’aime beaucoup votre compagnie.» Lentement un de mes doigts descendait le long de la demi gaufre, se perdant à travers chocolat chaud et chantilly. « J’aimerais beaucoup vous montrer à quel point je suis pleine de ressource Katarina-san. » Je faisais lentement entrer le doigt dans ma bouche, effectuant une légère succion pour le nettoyer de toutes ces vilaines sucreries malencontreusement égarer, faisant ensuite un clin d’œil à la jeune femme en face de moi.

La conversation avançait, le jour arrivait, je ne regrettais pas un seul instant avoir rentré sans faire exprès dans cette femme, j’avais un peu avancé mon sujet et j’avais passé une excellente soirée. Si toutes mes recherches pouvaient se passer ainsi, mais les autres recherches ne pourraient pas m’apporter quelqu’un comme Katarina, elle était spéciale, unique, je pouvais le sentir. Mes actions et paroles de plus en plus provocatrices faisaient leur effet, la subtilité n’étant plus le talent de ma compagne depuis quelques minutes déjà, devais-je continuer ? Devais-je cesser sa torture et la laisser rejoindre sa demeure ? J’aurais bien été partie pour faire une nuit blanche avec elle s’il le fallait, j’avais son lieu de travail, son numéro, son instagram, je pourrais aisément la recontacter si besoin. Mais je n’étais pas raisonnable, j’étais passionnée et je la voulais passionnément, je voulais ses regards, ses sourires, ses rires, tout simplement ses mots, au moins un peu plus longtemps, une seconde, une éternité.

Il ne fallait pas longtemps pour que jeune femme reprenne ses esprits et pointe mon index, l’essuyant sans attendre, une bien charmante attention qui me ferait sourire si je ne le faisais pas déjà. La suite fut un peu plus surprenante, moi qui pensait m’amuser avec ma partenaire, la voici qui imitait mes actions, faisant monter très clairement d’un cran la chaleur dans tout mon corps. Je ne pouvais pas quitter des yeux son doigt alors qu’il glissait avec facilité dans sa bouche, comment tout cela avait-il pu en arriver si vite si rapidement ? Aussi rapide qu’un coup dans un bar et pourtant, aussi profond qu’un vrai rendez-vous, cela me rendait tout particulièrement perplexe et honnêtement, j’adorais ce moment passer entre nous deux, aussi bizarre soit -il. Bientôt elle tournait la tête, me laissant pleinement le loisir d’observer un autre profil d’elle, comme si tous ses profils n’étaient pas parfaits d’avance.
Je finissais également par tourner la tête vers le soleil levant, le spectacle était magnifique, je n’avais pas l’habitude de voir beaucoup de levers de soleil, oubliant à chaque fois cette beauté pure. Là ma compagne parlait, me rappelant au passage que j’étais venue pour travailler à la base et non pas pour rêver, je roulais des yeux, promettant de plus tard me punir pour ma faiblesse. « Vous avez certainement raison, même si votre avis biaisé de bisounours m’a été vraiment utile, pour m’immerger dans votre milieu, j’ai été chanceuse de vous rentrer dedans. » Un long soupire succédait rapidement à ces mots. « Sinon je ne sais pas ce que j’aurais fait, à regarder de loin les strip teaseuses, ressemblant à une délinquante sexuelle qu’autre chose. Comme vous avez pu le remarquer, je ne suis pas très bonne en socialisation, mais avec vous c’était autre chose ce soir, c’était…je…je… » Je regardais un moment ma compagne, me mordillant doucement la lèvre.

Je le sentais, le trac, la tension, ce n’était plus des paroles en l’air que je regretterais après, c’était réfléchit, effrayant, sans sous-entendu, sans jeux, je baissais la tête, fuyant le regard de mon interlocutrice. Cela devait être misérable à voir, j’essayais d’articuler encore quelques paroles avant d’abandonner, me crispant sur mon siège, seule, pitoyable, chuchotant presque. « Je suis désolée… » Je ne savais pas pourquoi cela m’arrivait, tout était si bien et je faisais tout foirer, j’avais envie de pleurer et me mettre en boule dans un coin où on ne me retrouverait jamais ! Mon regard se portait sur le portable posé sur la table et une idée semblait soudainement apparaître dans ma petite tête remplie de chaos. Je n’attendais pas l’ouvrant et tapant sans réfléchir. « Je ne sais pas ce qui me prend, je suis encore moins douée pour la socialisation qu’habituellement, je suis paralysée juste à l’idée de paraître comme une bête de foire à vos yeux. Je viens à peine de vous rencontrer et je ressens tellement de choses, des montagnes de russe d’émotions, vous êtes tellement intéressante, passionnante, talentueuse, magnifique, que ce soit les traits de votre visage, vos cheveux, votre voix. J’adore regarder le soleil se lever et j’espère qu’il ne s’arrêtera jamais pour que nous puissions continuer à le regarder ensemble, toute la nuit, toute la journée, dans ce café. Je dois sonner comme une folle, à déballer des envolées lyriques à la femme que j’ai bousculé et rencontrer y’a même pas un jour, mais je suis une artiste et très sérieusement en manque de sommeil et de compagnie et de santé mentale. » Je relevais le visage, rencontrant le regard de Katarina, dérivant ensuite celui-ci sur ses lèvres, ses parfaites lèvres. « Et j’aimerais vraiment vous embrasser, encore et encore, vous et vos parfaites lèvres, maintenant je vais me lever et fuir dans la ruelle à côté. Vous êtes libre d’oublier Saeko la folle ou de venir, je ne vous le conseille pas, je ne le ferais pas moi-même. »

J’appuyais sur le bouton envoyé, attendant que ma compagne lise le début du message pour me lever et fuir, enlevant au passage un cookie, me dirigeant rapidement vers la ruelle. Contre le mur, des larmes coulant le long de mes joues, mâchant la sucrerie, comme si cela réussirait à me calmer, pourquoi devais-je être comme ça ? Quel était mon problème ?