The Other Side | Lexie

Le colis avait été déposé très tôt dans la matinée, suffisamment tôt pour que personne ne remarquât sa silhouette dans l’obscurité. Seena ne se réveilla que quelques heures plus tard dans un brouillard de rêve qu’elle tenta de chasser à coups de plusieurs gorgées de café. Rien n’était prévu dans son agenda aujourd’hui et elle pensait ainsi profiter d’une journée de repos. Voilà bien une semaine qu’elle souhaitait rattraper son retard dans certains bouquins ou même se poser dans le canapé pour regarder une bonne série, mais avant toute chose elle se devait de prendre une douche pour être complètement réveillée.

Elle gravit les marches de sa villa en se débarrassant de son peignoir et alluma les enceintes qui se mirent à murmurer de douces paroles gaéliques, oui elle aimait les musiques de son pays d’origine. L’eau lui fit un bien fou et elle se surprit à lézarder sous le jet brûlant, les yeux fermés, songeuse. Qu’est-ce qu’elle donnerait pour avoir un corps à enlacer à cet instant précis, pour avoir une présence rassurante à ses côtés, un rire cristallin à savourer. Ses doigts actionnèrent le robinet et les dernières gouttes s’effondrèrent sur sa peau d’albâtre. Seena vivait mal la solitude depuis quelques semaines.

Elle se vêtit d’un pull confortable et d’un jean ainsi que d’une paire de pantoufles offerte par sa mère pour regagner le rez-de-chaussée. Elle attrapa son paquet de cigarettes qui traînait sur la commode plus par réflexe que par envie et se retint de fumer, elle opta pour le jouet électronique à vapeur. N’aimant pas fumer à l’intérieur, elle rejoignit les marches de l’entrée et s’y installa agréablement. Le quartier était encore désert et elle en profita pour savourer le calme ambiant, mais un vélo freina et l’arracha à sa torpeur. Son facteur tenta de glisser des lettres dans la boîte, mais sans succès.

« Miss McGregor, je pense que quelque chose bloque votre… » Elle était déjà à côté de lui, sortant les clés de sa poche. « Pourtant je n’ai rien reçu depuis quelques jours. » Ils firent face à une petite boite en carton qui ne comportait aucune étiquette. Seena fronça les sourcils et attrapa doucement le colis, peu rassurée suite aux lettres de menace qu’elle avait reçu. Et alors que le paquet fut retiré de la boîte aux lettres, une poupée chut sur le sol. Le facteur se pencha pour la ramasser. Une Barbie aux cheveux blonds et au corps mutilé. « Que… » La politicienne s’empara rapidement de la chose et fonça chez elle pour s’y enfermer. Elle savait pertinemment qu’il ne fallait pas ouvrir le carton, mais la tentation était trop forte. Le regard vide de la poupée la fixait alors que ses doigts soulevaient lentement l’emballage.

Et là. Seena fit face à un boîter emmêler de fils et d’un minuteur. Sous la surprise, elle poussa un cri effrayé et lâcha l’objet dans la précipitation. Les mains tremblantes, elle appela le premier numéro qui lui vint à l’esprit.

Lexie venait tout juste de retirer son casque quand son téléphone vibra dans sa poche. Elle fronça les sourcils. Elle avait encore une dizaine de minutes avant d’être en retard, mais apparemment son co-équipier s’impatientait déjà de la voir arriver. Peut-être qu’il voulait discuter de quelque chose avant la réunion.
Elle sortir son téléphone de sa poche et fut surprise de voir le nom de Seena McGregor s’afficher. Il n’y avait rien eu de vraiment nouveau dans son affaire pour le moment, Lexie ne voyait donc pas ce qu’elle pourrait avoir à lui dire mais elle décrocha tout de même le téléphone. Rapidement elle comprit la gravité de la situation en entendant la panique dans la voix de la politicienne.
« Seena, restez calme s’il vous plaît. Répétez ce que vous venez de dire. » Lexie écouta attentivement, la mettant sur haut-parleur quand elle entendit le mot bombe. Elle envoya rapidement un message à son collègue et remit les clefs dans le contact de sa moto. « J’arrive tout de suite. Décrivez-moi la bombe s’il vous plaît, » dit-elle calmement.

Elle bascula l’appel sur une oreillette et remit son casque pour rester en contact avec elle, fermant la visière pour bien isoler le bruit alors qu’elle démarrait.
Elle devait faire vite.
Lexie fonça sur les routes, ne se souciant pas des voitures, slalomant sans mal entre elles. C’était encore l’heure de pointe et elle devait faire avec une circulation monstrueuse. Elle n’avait jamais été aussi contente d’avoir une moto.
« Je suis presque là Seena, attendez-moi dehors. »
Elle raccrocha à ce moment là pour se concentrer un peu mieux sur la route et augmenter l’allure.

Elle quitta la route principale pour s’engager dans le quartier de la femme, arrivant très vite devant chez elle, remontant l’allée pour s’arrêter seulement devant la porte. Elle retira son casque et le posa sur l’engin avant de se tourner vers Seena.
« Dites-moi où est la bombe. »
Si elle devait être tout à fait honnête, Lexie n’était pas pressée de la voir. Toutefois elle en savait assez sur les engins explosifs pour peut-être pouvoir faire quelque chose. Et elle avait lu suffisamment de lettres de ce tordu pour pouvoir se mettre dans sa tête et essayer de comprendre sa logique.
Mais avant tout elle devait voir de quel genre d’explosif il s’agissait et suivant les quantités… Bordel, les USA avaient vraiment besoin de mieux réguler ce genre de chose.

La peur lui tiraillait les entrailles et elle inspira profondément, son regard rivé sur ce paquet qui souhaitait sa mort. Elle se serait bien réfugiée à l’étage ou bien même plus intelligemment à l’extérieur, mais la terreur était telle que ses jambes refusaient de bouger et la clouer sur cette marche où elle s’était prostrée. On voyait souvent l’histoire d’une attaque à la bombe dans les médias, sur un écran qui détachait la personne de la triste réalité, Seena avait toujours pris ses distances avec ce genre d’évènements, mais elle était désormais dans le vif du sujet et tenait son téléphone comme une bouée de sauvetage.

La voix de Lexie lui donna une bouffée d’oxygène nécessaire à ses mots pour être correctement prononcés. Elle peine toutefois à décrire l’objet et à se faire comprendre, la panique chatouillait sa langue qui était incapable de fonctionner correctement. Ne pas mourir dans ces conditions était son unique requête. Attendez-moi dehors et elle fut de nouvelle seule. Elle lâcha le téléphone et se prit la tête dans les mains dans un gémissement effrayé, son cœur sur le point d’implosait dans sa poitrine contractée par la peur. Elle tenta de reprendre contenance et de ramasser les lambeaux de courage, de raison qui lui restaient…

Elle crut bien s’effondrer lors des premiers pas, mais réussit finalement à fuir. Bras croisés contre elle, elle fixait désormais la porte, une centaine de questions se bousculaient déjà dans son crâne embrouillé. Elle ne comprenait pas pourquoi on souhaitait ainsi la voir disparaître, son mouvement n’avait fait aucune attaque directe, seulement des discours pacifistes sur l’ouverture d’esprit de la société, alors pourquoi ? Elle tourna aussitôt la tête en direction de Lexie et se mordit l’intérieur de la joue pour ne pas fondre en larmes. « Le… » Sa voix tremblait affreusement. « Hall. Devant la commode. » Là où traînait également le cadavre de la poupée blonde.

Seena semblait bouleversée par la découverte de la bombe et pour être honnête, Lexie ne pouvait pas la blâmer. Dans son cas, elle ne réagirait probablement pas mieux. Dans tous les cas, elle se dirigea vers le hall après avoir hoché la tête. Elle devait voir de quoi il s’agissait avant de prendre la moindre décision.
Une fois à l’intérieur, Lexie trouva sans mal le boîtier dont Seena avait déjà fait mention au téléphone. Il était par terre, comme un objet abandonné, à côté d’une poupée. Sans le toucher, Lexie l’examina et observa les fils et le minuteur. Quelque chose lui semblait étrange, notamment sur le nombre de fil. Une bombe comme ça, même si couper un des fils faisait exploser le tout, ne demandait pas autant de fils. Certains devaient être totalement inutiles. Malheureusement Lexie ne voyait pas l’intérieur de la boîte et ne pouvait pas savoir.
Après une seconde de réflexion, elle se dirigea de nouveau vers l’entrée.

« Seena. » Elle posa une main sur son épaule, ferme mais douce. « J’ai besoin que vous alliez sonner chez vos voisins pour leur demander d’évacuer discrètement, sans paniquer. C’est une simple mesure de précaution, ne vous en faites pas. »
Que la bombe explose ou non, il y avait toujours de quoi faire sauter la moitié de la maison de Seena et qui sait quoi d’autre. Son pouce caressa son épaule brièvement.
« Je vous promets que ça va aller. »

Sans plus attendre, Lexie retourna à l’extérieur et attrapa son téléphone pour appeler son partenaire. Celui-ci répondit immédiatement. Ils étaient en route avec une équipe de déminage, mais avec la circulation ils ignoraient s’ils seraient à l’heure, alors ils allaient essayer de la guider à travers le désamorçage en attendant.
À l’aide de son couteau, Lexie ouvrit le boîtier et regarda les fils, envoyant une photo du système au reste de l’équipe. Pendant ce temps, le temps s’écouler.
Restait à espérer que l’évacuation se passerait bien.