it's hard to say hello again (shay+raven+ian)

Je me dandine pour entrer dans ma robe et Ian passe derrière moi pile au bon moment pour remonter la glissière. Ses bras entourent ma taille et nos regards se croisent à travers le miroir. « Je t’adore dans cette robe… » Un baiser dans mon cou et je frissonne, souriante. « Tu es sûr que c’est la bonne ? Tu préfères pas l’autre, la noire ? » Il secoue la tête et s’éclipse pour finir de se préparer. « Non, celle là est parfaite, elle va avec tes yeux… » Quel charmeur. Je finis de me préparer, me maquiller, toujours simplement, et fin prête je glisse mes mains sur ma robe pour lisser les plis et prends un grande inspiration. « Je suis sûre qu’ils vont t’adorer. » J’ai rencontré Ian à Londres un jour de shopping avec ma meilleure amie, jamais je n’aurai pu imaginer qu’il deviendrait mon mari, qu’on parlerait d’avoir des enfants, et qu’il finirait pas retrouver sa famille perdue de vue, ici même à Los Angeles. Le monde est finalement tout petit, et bien sûr, j’angoisse profondément de rencontrer sa famille. La mienne, il la connaît, très bien même, ils étaient là pour notre mariage, ils sont très présents dans ma vie, au contraire de la famille de Ian. Il faut dire que les circonstances sont un peu floues, il n’aime pas en parler, il dit qu’il n’a pour ainsi dire quasiment jamais connu sa petite soeur. Il faut dire qu’ils ont dix ans d’écart et ça joue certainement. Il est parti elle n’avait que huit ans. Mes mains son moites, je cherche partout les clés de la maison alors que mon époux m’attend dans la voiture, c’est de pire en pire. Je souffle un bon coup et finis par trouver. Je verrouille la serrure et rejoins Ian dans la voiture, direction la maison de ses parents dans le quartier Est de la ville. Je suis distraite, pensive. « Ils vont t’adorer, arrête de stresser. » Je pose ma main sur celle qu’il vient de poser sur ma cuisse, et je lui adresse un sourire qui se voudrait rassurant. « J’espère. » J’ai une sorte de pressentiment, et je suis incapable de savoir pourquoi. Ian gare la voiture dans l’allée et nous descendons pour nous approcher de la porte d’entrée. Sa main se faufile dans la mienne, pour me donner du courage, sans doute. Une inspiration, et voilà que la porte s’ouvre. Une femme d’une soixantaine d’années ouvre la porte et je n’ai pas de mal à comprendre qu’il s’agit de la mère de mon mari. Hésitants, ils se prennent dans les bras et Ian me présente comme étant son épouse, ce qui est purement et simplement la vérité. J’ai le droit à une chaleureuse accolade, jusque là tout se passe pour le mieux, mais malheureusement le pire est à venir. Nous entrons dans la maison, et s’approche une silhouette que je ne tarde pas à reconnaître, malgré les années qui ont passé. C’était il y a six ans, et pourtant les années ne semblent pas avoir eu de l’emprise sur elle. Raven. Raven ou la seule femme au monde à avoir su me faire succomber aux plaisir de la chair avec une autre femme. Mon coeur s’emballe, de la revoir, oui, mais surtout de comprendre qu’il s’agit là de ma belle-soeur. Le monde est parfois beaucoup, beaucoup trop petit.

Ian, le grand frère prodigue, est bientôt de retour. C'est ce que les parents n'arrêtent pas de me rabâcher depuis hier et je dois avouer ne plus supporter leur petit manège. Il est parti il y a des années, il ne donne des nouvelles que lorsqu'il lui en tombe un œil et la dernière image que j'ai de lui c'est la silhouette de son dos qui passe le pas de la porte. Autant vous dire que je suis enchantée à l'idée de le revoir.
Habillée d'un petit débardeur noir près du corps, d'un short en jeans hand made et de ma père de Doc Martins préférée, j'entends encore ma mère qui me hurle depuis le rez-de-chaussé que je dois m'apprêter un peu mieux pour l'arriver de mon frère et de ma belle-sœur. Parlons en tiens! Cette femme qui a su se montrer assez intéressante pour faire rester Ian doit être forcément quelque chose. Elle doit être spéciale. Un sentiment étrange se mêle à ma fureur, et j'ai mit un moment à comprendre de quoi il s'agissait : de l'appréhension. J'ai peur. Peur de le perdre à nouveau, peur de ne pas être à la hauteur de la femme qui espérait que je devienne et peur de rencontrer cette femme qui compte à ses yeux bien plus que je ne le pourrais jamais. Je ne veux pas parler de rivalité ou autre terme compétitif... Mais je dois me montrer forte et surtout prête à rencontrer cette femme si chère à son cœur. Bref, je ne cherche pas à me changer, mais juste à perdre du temps et c'est la sonnette de l'entrée qui me donne le "go" pour pouvoir sortir de mes quartiers. Je descends les escaliers deux par deux et je saute les quatre dernières marches pour finalement franchir le couloir et faire face au couple tant attendu.

Mon cœur manque un battement. Si j'avais pu et si la décence m'y autorisait, je me tiendrais le cœur et les lèvres pour retenir avec force un cri de surprise. Mais seul mes yeux pourraient me tromper en cet instant. Mon regard qui passe du visage de Ian à celui de sa compagne à mille à l'heure pour que l'idée s'imprègne dans mon esprit : mon frère est marié à mon ex. Voila. « Ian, bonjour! J'y mets autant d’enthousiasme que possible. Et Sh... ch'sais pas qui tu es, mais soit la bienvenue! » Merde, j'ai manqué de me faire trucider sur place. Je m'avance alors pour venir faire la bise aux nouveaux venus, et je remarque l'air déconfis de Shayna sans doute au moins aussi surprise que moi qui tente de rester impassible. Ma mère qui ne remarque rien de particulier me fait une Nième remarque sur mon style vestimentaire et elle invente ensuite les tourtereaux à rentrer avant que je ne referme la porte derrière eux. Je ne me rends pas encore compte que je viens de sceller mon destin à ce moment là.

Les retrouvailles entre Ian et sa mère sont absolument touchantes et je dois me retenir de ne pas pleurer face à ce spectacle. Il me présente à elle et je me retrouve rapidement dans ses bras, bien qu’un peu mal à l’aise, je profite de cette étreinte. La famille pour moi est quelque chose de très important et j’ai sauté de joie le jour où il m’a dit vouloir renouer avec les siens. Mais lorsque la soeur de mon mari fait son apparition, je déchante. « Ian, bonjour! Et Sh... ch'sais pas qui tu es, mais soit la bienvenue! » J’ai l’impression de perdre pieds, que le sol se dérobe sous mes jambes et que bientôt je ne serai plus de ce monde. Je tente par tous les moyens de ne pas montrer mon trouble mais c’est difficile. « Bonjour Raven... tu as bien grandit !  Je te présente Shayna, mon épouse. Shayna, voici Raven, ma... petite sœur. » Je hoche très sensiblement la tête alors que la brune s’approche pour saluer son frère et me faire à mon tour une accolade. Je suis sûre qu’elle a pu sentir à quel point je tremble. Moi qui m’attendait à une belle réunion de famille, tu parles, je suis en train de me liquéfier. Ian s’éclipse déjà pour aller saluer son beau père, qui d’après ce que j’ai compris est un peu le noyau de l’éloignement de mon époux. Je reste stoïque, évite soigneusement le regard de Raven, et bien vite nous sommes invités à nous installer au salon. Je ne sais pas dans quelle merde je me suis foutue encore, même si en soi, je n’y suis pas pour grand chose, je n’ai fauté nulle part, je n’ai trompé ni l’un ni l’autre… Mais Ian n’est pas au courant que j’ai un jour succombé à une femme - et encore moins à sa soeur - et j’ai très clairement planté Raven sans jamais lui donner de nouvelles. Si, en fait j’ai bien merdé. Après les excuses poignantes de Ian, nous nous installons sur les canapés, je prends place près de mon mari en prenant soin de me positionner entre ce dernier et l’accoudoir, histoire de ne laisser aucune chance à Raven de venir s’installer près de moi. Mon trouble est bien assez présent comme ça. « Alors comme ça vous êtes mariés ! » Commence par dire la mère de mon conjoint. Je tente un sourire et hoche doucement la tête. « Depuis trois ans, oui. » Je tends la main en direction de celle de Ian et me saisit de cette dernière en entrelaçant nos doigts, un regard amoureux vers celui qui partage ma vie depuis près de cinq ans. Je dois me raccrocher à lui, je dois absolument ne pas me laisser sombrer dans les souvenirs que j’ai avec sa jeune soeur.

Tas de bullshit! Alors comme ça, elle m'abandonne, elle part sans laisser ne serait-ce qu'un mot, elle ne donne plus signe de vie et je découvre aujourd'hui qu'en fait elle a rencontré Ian et qu'ils sont mariés!? Mais c'est quoi cette connerie de destin!? Fait chier... Là j'ai envie de hurler. J'ai envie de frapper dans mon sac de sable au sous-sol. Mais punaise que quelqu'un arrête ce délire! Je sers les poings autant que les dents pour ne pas faire un scandale devant ma famille. J'en ai presque la tête qui tourne à force de cogiter aussi vite. Alors que la colère gronde en moi, Shayna semble m'ignorer. Elle ne me regarde même pas, elle ne me parle pas, elle fait comme si nous ne nous connaissions pas. Alors quoi? Elle ne lui a même pas parlé de moi? Au moins d'une aventure passée dans les bras d'une femme? Je dois savoir si elle se souvient de notre histoire.

Mais pour l'instant je vais la jouer fine. Ne pas faire d'esclandre devant tout le monde, je trouverai le moyen de lui parler seule à seule. Nous sommes invités à aller au salon tous ensemble. Malgré tout ce qu'il peut en dire, je le connais le vieux, il est content de le retrouver. Moi en revanche, pas tant que ça. Je lui en veux toujours de nous avoir abandonné comme ça. Son égoïsme a toujours été un problème et cela s'est révélé être un véritable frein à l'épanouissement de la famille. Alors qu'il nous a laissé derrière, il a fallu que je m'occupe de remonter le moral de tout le monde ici. Mais et moi alors? Quelqu'un s'est inquiété de savoir comment j'allais après le départ de mon frangin? Non.

Ca y est : la conversation et engagée. Moi je rumine toujours et reste fermée, mais les parents se renseignent déjà sur le passé des tourtereaux. Ils sont ensemble depuis un certain temps, et mariés depuis trois ans déjà? « Oh, on a même pas reçu le faire-part... C'est moche... Il a dû se perdre dans le courrier sans doute. » Lâche-je enfin, sarcastique au possible. J'accompagne ces mots avec un grattement de menton comme pour montrer un côté songeur à cette idée. Alors que je sais pertinemment qu'il nous a zappé. C'est sur Shayna que mon regard se pose en disant ça. Je veux qu'elle ressente toute la douleur que j'ai pu ressentir et je veux qu'elle comprenne qu'ils ne sont pas les bienvenus ici. Pas tant que je suis ici. Je m'enfonce dans le fond du fauteuil que j'occupe, et je me ferme à la conversation, bras et jambes croisés.