chicken pox (ginsea)

J'ai mal de partout. Ou partout. Enfin ouais. Chaque partie de mon corps me brûle, me gratte et ma tête va très certainement exploser. C'est horrible cette sensation et ce n'est clairement pas normal. Cette nuit a été horrible. Eileen n'allait pas bien du tout et visiblement, moi non plus. Je tousse, tente de me lever au moins pour nourrir la gosse. Manquerait plus que je la laisse crever de faim la pauvre. Je lui prépare son petit déjeuner, la regarde manger avec quelques hauts le coeur et retourne me coucher après l'avoir mise devant un dessin animé. Les boutons qu'elle a sur le corps sont assez équivoque pour moi, la varicelle. Ce que le médecin m'a dit quand il l'a vu. Mais je ne veux pas y penser. Parce que je ne l'ai jamais eu et que je ne veux pas l'avoir. Et que vu les symptômes que j'ai, malheureusement, je pense l'avoir choppé. Super. Je m'écroule sur le lit, tremblotante et m'enroule dans ma couette. J'ai à peine le temps de me dire qu'il faut que j'appelle le médecin que je m'endors sans l'avoir fait. Je suis vidée de toute énergie.

Une main froide, voir glacée se pose sur mon front brûlant. Le choc de température est si violent que je grimace. J'entends une voix calfeutrée me parler et je tente d'ouvrir un oeil pour voir ce qu'il se passe. Mais juste un, l'autre il n'en a pas vraiment envie et je le comprends. Je grogne lorsque je vois Chelsea à côté du lit. Et merde. Un souvenir lointain me rappelle qu'il y avait une réunion ce matin. Oubliée. Je sens Eileen sauter sur le lit et je grogne à nouveau. C'est épuisant un gosse mais je ne peux pas lui en vouloir. En tout cas elle semble déjà aller beaucoup mieux. Je me rendors mais pas d'un sommeil reposant. Je suis réveillée quelques minutes ou heures ou secondes ou je ne sais pas plus tard par une voix que je ne connais pas. Un médecin. Super, le même que ce matin. S'il pouvait se foutre ouvertement de ma gueule, je suis certaine qu'il l'aurait fait. Mais il se retient, m'examine alors que je reste dans cet état léthargique. Il me dit de me reposer et laisse un traitement sur la table de chevet. Je n'ai même pas la force de le prendre mais je lui promets que je le ferai. Je l'entends fermer la porte et parler certainement à Chelsea dans la pièce à côté. La porte s'ouvre à nouveau alors que je râle, encore. Pas moyen d'être tranquille ici. Je sens un poids se poser au pied du lit et je me décale pour voir la danseuse posée là. Rester ici... " J'peux me débrouiller toute seule. " Ronchon et gamine, combo parfait. Je me redresse tant bien que mal et attrape mes médicaments sur la table. " Tu vois, j'ai tout ce qu'il faut. " Je les avale sans même avoir besoin d'eau et me colle, dos au mur pour être assise et soutenue. La couette descend, laissant apercevoir le haut de ma nuisette, clairement pas la tenue la plus décente pour être face à ma cliente. Je tire sur la couette pour la ramener à moi et me cacher dessous. " Elle va mieux ? " Au vu des rires dans le salon, je penche pour le oui. Cette gamine est beaucoup trop vive et joyeuse pour être la fille de cette rabat-joie, c'est définitif.

Le résultat est sans appel, Gina a attrapé la varicelle d’Eileen, sauf que ça peut être dangereux pour un adulte, alors je me dois d’être là pour l’aider. Au moins pour m’occuper de ma fille, elle en fait déjà beaucoup, et là elle n’est provisoirement plus en mesure de s’en occuper, alors je dois faire un effort. « J'peux me débrouiller toute seule. » Déjà qu’elle râle facilement alors malade, j’ose même pas imaginer. Je me demande bien pourquoi je propose de l’aider, c’était obligé qu’elle allait m’envoyer chier. « Tu vois, j'ai tout ce qu'il faut. » dit-elle en se redressant pour attraper ses médocs sur la table de nuit et les avaler. Je continue de la regarder sans faillir, et ne loupe pas non plus la couette qui s’affaisse pour me laisser voir la petite tenue de mon agent. Je détourne le regard le temps qu’elle se cache, et c’est tant mieux. « Elle va mieux ? » Je tourne la tête dans la direction du salon où j’entends Eileen courir et rire pour je ne sais quelle raison. « Ça a l’air. » Je tourne à nouveau la tête vers Gina et hoche un peu la tête. « Bon, bah puisque tu veux pas de mon aide, je vais y aller. » Elle ne me retient pas, comme je m’y attendais. Pour une fois que je voulais être gentille, mais non. Tant pis pour elle. Je me dirige vers la porte, sors de la chambre mais ne me retourne même pas, et ne ferme pas non plus la porte. Eileen me court dans les bras et je passe simplement une main dans ses cheveux. « Tu es gentille avec Gina hein ? Elle est malade, tu as vu ? » Je m’accroupis pour être à son niveau et elle vient se lover dans mes bras. Faut dire que ça fait bizarre, et du bien en même temps. Mais pas le temps d’apprécier plus longtemps cette étreinte que j’entends un bruit suspect dans la chambre de Gina. Je me lève rapidement et cours dans la chambre en poussant la porte. « Gina ça va ? » Visiblement elle a voulu se lever mais ça n’a pas marché. Elle est assise sur le bord du lit, appuyée à la table de nuit et y’a des trucs qui sont tombés par terre. « Tu veux toujours pas que je reste ? » Je m’approche et plaque à nouveau ma main sur son front brûlant. « Tu comptais aller où comme ça hein ? Je vais t’aider viens là. » Je glisse une main dans son dos et la pose à sa taille de l’autre côté, de manière la soutenir. « Ça tourne ? » Je me fous un peu d’elle pour dédramatiser la situation. Surtout, je dois faire fi de sa tenue, de son petit top style nuisette en soie et fines bretelles qui laisse apparaître la forme de sa poitrine mise à une. Et ce short, court, très court, qui laisse dévoiler un tatouage qui semble avoir suffisamment d’ampleur. Ok, on se calme. De ma main libre, j’attrape son poignet de fait passer son bras dans mon cou pour la soutenir, elle tient à peine sur ses jambes. « Je te préviens, je vais pas te laver ! Tu veux un bain tiède pour faire descendre la fièvre ? »

Moi ça ira. Ca ira toujours. J'ai vécu bien pire qu'une stupide varicelle. Même si ça m'a bien achevé aujourd'hui. Mais la petite, j'ai besoin de savoir comment elle va. Ce n'est pas ma fille, j'en ai bien conscience, sa mère est assise au bout de mon lit. Mais j'ai de l'affection pour elle, j'y tiens énormément. Eileen est un rayon de soleil, un vrai petit bout de paradis dans le corps d'une enfant qui courre partout. La danseuse me confirme que sa fille semble bien aller. Je laisse échapper un léger soupir de soulagement. Je me sens responsable même si ce n'est pas moi qui lui ai refilé la varicelle et que c'est clairement l'inverse. Mais oui, je ne peux m'empêcher de penser que c'est à cause de moi. Comme si j'étais plus forte que la maladie. J'aurai du la protéger. Chelsea s'en va, de toute façon je n'ai pas besoin d'aide. Je ne veux pas avoir besoin d'aide. " Parfait. " Qu'elle parte. Qu'elle s'occupe de sa fille. Je les entends parler mais c'est bien trop loin pour que je comprenne quoique ce soit. J'attrape mon téléphone et peste en voyant qu'il est presque déchargé. Mon outil de travail, je ne peux pas vivre sans. Je me redresse et attrape la chargeur. Ca s'avère plus compliqué que prévu et je dois me lever pour récupérer le fil qui pendouille derrière la table de nuit. Quelle idée stupide. Je vacille, je trébuche, je tombe, faisant tomber mes lunettes et mon bouquin par terre. " Putain ! " Ah oui je râle. Je n'aime pas être comme ça. J'ai néanmoins réussi à attraper le fil et je branche mon portable avant de faire plus de conneries. Le bruit a rameuté l'autre. Evidemment. " Ca a l'air d'aller ? " Elle est con ou quoi ? Non je ne veux pas qu'elle reste. J'ai envie de le crier mais la faiblesse qui a prit part de mon corps m'en empêche. Stupide ego. Stupide stupide stupide ego. Alors je ne dis rien, je serre les dents et la laisse s'approcher. Sa main est glacée, ce n'est pas normal. C'est une vipère mais je suis presque sûre - enfin a 80% - qu'elle est humaine. Je frissonne et abdique. Je la laisse me relever, je ne suis plus qu'une poupée de chiffon. " Toujours quand tu es près de moi. " Ah finalement ça ne sort pas comme je voulais cette phrase. C'était plus dans l'idée qu'elle me pompe mon oxygène mais je me rends compte bien vite qu'on peut y trouver une autre signification. Tant pis. Je grimace, je me laisse faire. " D'accord... " Un bain. Depuis quand je n'ai pas pris de bain ? Les bains c'est pour ceux qui ont du temps à perdre et moi mon temps, il est précieux. Je la laisse m'amener jusqu'à la salle de bain. Elle s'échappe surement pour me laisser mon intimité mais force est de constater que j'ai encore du mal à tenir seule debout. " Juste... attends. " Je la laisse fermer le siphon de la baignoire et ouvrir le robinet alors que je commence à me déshabiller. Je n'ai jamais été pudique. L'habitude des vestiaires quand j'étais danseuse. Pas le temps pour ces chichis. Puis de toute façon, elle est hétéro, moi aussi, qu'est ce que je risque ? A part mes tatouages qui se dévoilent mais bon, je m'en fiche. Mon pyjama sur le sol, je m'agrippe à elle pour me hisser dans la baignoire, réduisant considérablement mon espace vital et le sien à néant. " Merci. " Ca m'arrache la gueule mais on m'a appris à être polie. " Ca devrait aller maintenant mais tu peux rester avec Eileen ? " Je me doute que malgré sa maternité soudaine et pas franchement désirée, elle ne va pas abandonner la gamine. Elle sort, je soupire d'aise. C'est con de refuser de prendre un bain, c'est tellement agréable. Si agréable que je finis par m'endormir dans l'eau qui refroidit au fur et à mesure du temps qui passe.

« Ca a l'air d'aller ? » qu’elle me demande avec son air renfrogné. Sérieusement ? Je suis en train de lui venir en aide et elle tout ce qu’elle trouve à faire c’est m’envoyer chier ? Génial ! J’adore ! Je serre les mâchoires et me contente de fermer ma gueule pour le moment, ne voulant pas envenimer la chose. Je lui demande si ça tourne, voulant prendre les choses un peu plus à la légère et à la dérision, mais sa réponse me semble bizarre. « Toujours quand tu es près de moi. » Je fronce un peu les sourcils, ça doit être la fièvre, ça la fait complètement délirer. Elle finit par accepter mon aide, je ne lui laisse qu’à moitié le choix de toute manière, et se décide à dire oui pour le bain. Je l’aide et l’accompagne jusqu’à la salle de bain ou je prépare le bain, le laissant couler avant de me retourner vers la jeune femme qui me demande d’attendre. Attendre quoi au juste ? Elle commence à se déshabiller, une fringue après l’autre, et j’essaie de détourner le regard. Je ne sais pas si c’est que je suis mal à l’aise de la voir nue, ou si j’ai peur qu’elle le soit. Ou peut-être juste que je la découvre d’une nouvelle manière qui me chamboule un peu trop. Je peine à garder le regard ailleurs et découvre ainsi ses tatouages. Je n’aurai jamais imaginé qu’elle soit le genre à porter un tatouage aussi imposant et gosh, sexy. Je secoue un peu la tête pour me remettre les idées en place, et l’aide à grimper dans la baignoire. Je suis presque étonnée qu’elle me remercie, mais je ne me risque pas à une mauvaise blague, ce n’est pas le moment. « Ca devrait aller maintenant mais tu peux rester avec Eileen ? » Je hoche doucement la tête. « Je vais pas la laisser toute seule. » Non bien sûr, c’est pas comme si je l’avais déjà fait ! Enfin… La situation était différente, et elle avait son père pour veiller sur elle. Là, Gina dans la salle de bain et dans un état limite léthargique, il n’y a personne pour veiller sur Eileen et je me dois de faire au moins ça. Quittant la salle de bain je rejoins la petite fille pour m’occuper d’elle. C’est tout nouveau pour moi, je sais pas trop comment m’y prendre. Alors je me plie à ses volontés, l’écoute avec attention, lui réponds, joue avec elle à même le sol, lui cours après, enfin tout ce qu’un adulte responsable est censé faire en présence d’une enfant de deux ans quoi. Mais le temps passe et la petite fille commence à réclamer à manger. Ça mange quoi les gosses à cet âge là ? Je me sens envahie d’un vent de panique et allume la télé pour laisse la gamine devant un dessin animé pendant que je vais voir où en est Gina. Je frappe à la porte, juste un peu, et la pousse pour découvrir la demoiselle les yeux clos. J’ignore pourquoi je m’inquiète d’un seul coup. « Gina ça va ? » Elle se réveille et je me sens rassurée. « Désolée je voulais pas te réveiller, enfin même si tu me remercieras parce que l’eau doit être gelée et une baignoire c’est pas l’endroit le plus confortable pour dormir. Bref. Eileen a faim, elle mange quoi ? »

Tout est flou. Tout est brumeux. Je ne comprends pas ce qu'il se passe, c'est comme si j'étais enfermée dans un brouillard intense. Je ne distingue rien de ce qu'il se passe autour, je ne vois rien. Il n'y a que moi. J'ai une robe longue, les cheveux tirés en arrière et visiblement du rouge sur les lèvres. C'est bizarre parce que je suis pieds nus. Ah non tiens, je me retrouve avec des chaussons licornes. C'est encore plus étrange mais ça ne me parait pas l'être tant que ça. Quelque chose m'échappe. J'entends du bruit, je me rapproche du bruit. Une silhouette apparaît. Une femme, élancée, sans visage. Quelque peu effrayant. Elle s'approche de moi, je recule. Plus elle s'approche, plus je tente de m'échapper. Je finis par me voir moi, comme si j'étais hors de mon corps. Je suis derrière la créature, enfin, je me vois face à elle et je souris. Moi, je ne vois que ses cheveux. Longs, bruns. Puis je me retrouve à poil. Enfin l'autre moi, celle que je vois. La créature perd ses vêtements aussi, c'est quoi ça... Je m'approche, la créature aussi. Les deux corps se rencontrent, s'agrippent l'un à l'autre. Je me sens gênée de voir ça, comme si j'observais quelque chose que je ne devais pas voir. Et là, je l'embrasse. Enfin l'autre moi l'embrasse, enfin c'est bizarre. J'ai l'air d'apprécier et la moi voyeuse est intriguée. Des gémissements emplissent l'air qui nous entourent, j'ai le rouge qui me monte aux joues. J'ai envie d'en savoir plus alors je m'approche, contourne les deux corps accolés et c'est là que je vois le visage de l'autre. Il s'est dessiné, il est apparu. Et je m'arrête. Je la reconnais...  

" Ah ! " Un cri de surprise, un cri de gêne, un cri de je ne sais pas quoi s'échappe de ma bouche lorsqu'on me tire de ce rêve. Parce que oui, ce n'était qu'un rêve. Pourtant, je bouillonne de l'intérieur, je sens mes rouges avoir pris une autre couleur, plus carmin. " Je ... oui ça va. " Non ça va pas. Ca ne va vraiment pas, parce que ce visage à côté de moi dans la salle de bain, je viens de le voir. Et ça, ce n'est définitivement pas normal. " L'eau ça va ... " Encore heureux qu'elle soit devenue fraîche cette eau vu l'état de mon corps. Même si je frissonne du contraste. " Tu peux me passer la serviette ? " J'évite totalement son regard, j'évite de la regarder, peu importe la partie de son corps d'ailleurs. Je dois me remettre de ce que je viens de voir et ça a du mal à passer là. Je m'enroule de la serviette et m'assois sur le bord de la baignoire, le coeur battant bien trop vite pour que ce soit naturel. " Y'a de la purée que j'ai faite hier dans le frigo, pomme de terre - carottes. " Je réfléchis au reste. " Il reste des oeufs, tu sais faire les oeufs à la coque ? Elle en raffole même si elle en fout partout. " Mes pieds sont tout à coup très intéressants. Vraiment beaucoup. " Mais y'en aura pas assez pour nous, j'ai des lasagnes au congélo si tu peux les décongeler, j'arrive dès que je me suis... enfin rhabillée quoi. " J'attends qu'elle parte, qu'elle ferme à nouveau la porte et expulse de mon corps tout cet air que j'ai gardé captif. Faut que je me reprenne là.

Une fois sèche, je passe par ma chambre et m'habille rapidement. Un peu plus vêtue que précédemment d'ailleurs. Pantalon avec des carreaux et un débardeur blanc. Ca reste simple mais ma peau est plus couverte. Je sens l'odeur des lasagnes qui a envahi la maison et sens mon estomac qui grogne. Je rejoins la cuisine et rigole en voyant Eileen couverte de carotte et Chelsea qui n'est pas en reste. " C'est dans la bouche qu'elle doit être hein... " Un regard noir essuyé, je m'installe à table, prête à partager le repas le plus étrange que j'ai pu faire depuis un moment.