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Difficile de savoir quelles allaient être les réactions de ma petite amie... Peut-être qu'elle ne donnerait même pas suite à l'invitation déposer sur le coin de son oreiller... Peut-être que Kezia était définitivement passé à autre chose... L'incertitude m'envahissait et au fur et mesure que les minutes défilaient je paniquais à l'idée de perdre celle qui avait fait battre mon cœur, celle qui m'avait poussé à bousculer ma vie pour la rejoindre à Los Angeles.... Le diction disant : C'est quand une personne part loin de nous, que l'on se rend compte à quel point on l'aime. Prenait toute son importance... On m'avait toujours répéter de ne jamais penser au pire, de se dire que chaque problème trouve sa solution mais n'était-ce pas le mensonge de trop ? Kezia était beaucoup plus sentimentale que moi, son cœur beaucoup plus fragile.... Je n'allais de toute façon pas tarder à être fixé quant à l'issue de notre histoire....

Faisant les cents pas dans la chambre d'hôtel mon cœur s'emballa en voyant la porte s’ouvrir... Ma petite amie était là, plus belle que jamais, le son de sa voix m'avait manqué, son sourire aussi... Sensation aussi agréable que troublante.... A croire que c'est à cet instant T que je comprenais vraiment quel rôle elle jouait pour moi.... Nous avions pourtant connus tout un tas de choses à l'époque où nous n'étions que de ''simples meilleurs amis'' mais là c'était différent et ô combien difficile à expliquer.......

''Ne dis rien.... Viens juste dans mes bras...'' ajoutais-je en la serrant tout contre moi et en profitant de ce premier baiser. ''Tu m'as manqué...'' Mes paroles sont dès plus sincères, je ne dis pas ça pour lui faire plaisir.... Espérons que les choses ne se gâtent pas par la suite....

''Ce n'est pas grand chose.... On prend jamais le temps de se faire du bien... Enfin non... Bon tu vois ce que je veux dire...'' A croire que le karma m'en veut ! ''Alors place à la détente... J'avais piqué un de tes maillots de bain dans ton armoire en prévision.... Mais on peut aussi aller manger un morceau... On fait comme tu veux... Ce qui te fais plaisir me ferra plaisir en retour.''

Comme une parenthèse imaginaire, un rêve inachevé. Ce qu'il s'est passé à l'autre bout du monde ne peut pas être vraiment réel. Se le répéter encore et encore jusqu'à réussir à s'en convaincre. Et pourtant. Depuis que j'ai posé les pieds sur le sol américain, c'est un sentiment de culpabilité immense qui me ronge de l'intérieur. Comme si la réalité me revenait brusquement en pleine figure. Je pense évidemment à Wyatt, et mon cœur se serre violemment dans ma poitrine. Lui. Celui qui a toujours été là pour moi, mon meilleur ami. Celui qui m'a offert son cœur sur un plateau d'argent, le petit ami dont tout le monde rêve. Il ne mérite rien de tout ça, et je m'en veux terriblement. Je dois le rejoindre en début de soirée pour le retrouver mais je ne peux m'empêcher d'être envahi par une bouffée d'angoisse. Comment vais-je être capable de le regarder dans les yeux ? Même si j'ai merdé, ça ne m'empêche pas d'avoir encore des sentiments pour lui. Je l'aime toujours, enfin je crois. Et je ne veux surtout pas le perdre. Jamais. J'arrive finalement à l'adresse indiquée, devant le radisson hôtel. Wyatt a sorti le grand jeu et n'a apparemment pas fait les choses à moitié. La main sur la poignée de la porte de la chambre, je respire un grand coup avant de faire mon apparition. Wyatt est juste là, il m'attend. Je découvre toute l'étendue de sa surprise et ne peut qu'être émerveillée par la scène qui se joue sous mes yeux. Tout est si romantique, soigneusement décoré et préparé pour nos retrouvailles. « Je... Wyatt, je ne sais pas quoi dire. » C'est beau, c'est trop. Et je me sens terriblement conne. « C'est magnifique. » La chambre d'hôtel, le jacuzzi, les pétales de rose, tout. Et lui surtout. « Tu es magnifique. » Il a mis les vêtements que nous avions acheté ensemble pour l'occasion, et cette petite attention est un peu comme la cerise sur le gâteau. Comment peut-on résister à tout ça ? « Mais tu n'avais pas besoin de faire tout ça... » Je réduis la distance qui nous sépare et vient attraper les mains de mon petit-ami. Evidemment que je suis touchée par sa surprise, mais il n'avait pas besoin de ça pour se faire pardonner. C'est moi qui devrait me faire pardonner, pas lui. Putain. Je fuis un peu son regard, affreusement mal à l'aise. Mais je ne veux surtout pas gâcher le moment et essaye de chasser toutes les mauvaises pensées de mon esprit. Je viens alors m'emparer délicatement de ses lèvres dans un baiser à la fois doux et sincère. Sincère malgré tout, oui.

Je joue peut-être avec le feu sans même en avoir conscience. Mais c'est un sentiment que je n'arrive pas à contrôler. Kai, c'est Kai et c'est comme ça. Elle seule a le don de me faire sentir aussi bien. Et me retrouver aussi proche d'elle me fait complètement perdre la tête. J'en viens même à m'imaginer des choses. C'est surement la fatigue qui me joue des tours. Elle m'a réveillé en plein milieu de la nuit, je n'ai pas les idées claires. Ou pas. Mon coeur, lui, n'a jamais été aussi sûr. « Non, reste. » Pendant quelques secondes, je me demande si les mots que Kai vient de murmurer sont vraiment réels. Peut-être est-ce simplement un rêve. J'ai dû le penser un peu trop fort. Mais quand je sens sa main dans la mienne me pousser à m'allonger à ses côtés, mon coeur s'accélère brusquement dans ma poitrine. Non, je ne suis pas en train de rêver. Dans mon esprit, c'est la folie. Mais je m'efforce de ne rien laisser paraitre. Surtout pas. Je m'installe confortablement près d'elle sans rien dire calant ma respiration au rythme de la sienne. Kai semble déjà dans un demi-sommeil alors que j'essaye doucement de me détendre. C'est elle qui m'a proposé de rester, je n'ai rien à craindre. Même si j'espère qu'elle n'oubliera pas ce détail à son réveil. Je ne veux surtout pas revivre un nouveau conflit. Finalement je m'endors peu de temps après ma demi-sœur, le coeur plus léger. Je sais que notre proximité retrouvée y est pour beaucoup. Inconsciemment pendant la nuit, mon corps vient se blottir en cuillère contre celui de Kai. Une habitude qui revient sans doute un peu trop facilement. Mais je me sens bien - mieux que jamais. C'est une sorte de réflexe que je suis incapable de maitriser. Je dors, c'est pas comme si je pouvais m'en rendre compte. Au petit matin, je sens le corps de la jeune femme commencer à bouger. Elle se retourne et j'émerge avec difficulté. Kai me regarde bizarrement et je comprends vite son incompréhension. Merde, elle ne doit pas se souvenir de ce qu'il s'est passé. La gueule de bois du lendemain. Je me frotte un peu les yeux avant de me redresser. Reste calme, ne panique pas. « Ça va mieux ? » Je tente un sourire un peu gêné avant de rajouter. « Tu n'étais pas dans un très bon état hier soir. » Ce n'est pas un reproche... juste une façon comme une autre de tenter de rétablir la situation. Mais Kai ne réagit toujours pas, le visage fermé. Et ça me fout une putain de boule au ventre. J'ai peur de sa possible réaction. « Tu voulais que je reste avec toi... » Je ressens rapidement un besoin cruel de me justifier. Je ne veux pas qu'elle se fasse d'autres films. Même si mon coeur se serre dans ma poitrine rien qu'à l'idée qu'elle ne se souvienne plus de ce rapprochement.

Même si ma surprise est gâchée, j'ai à coeur de ne pas laisser la soirée devenir encore plus désastreuse qu'elle ne l'est déjà. De toute façon ça ne peut pas être pire, si ? Quoique, on sait jamais avec moi. Je m'efforce déjà de tout faire pour retrouver le sourire. Ce n'est pas en continuant de m'apitoyer sur mon sort que je vais pouvoir sauver la soirée. Niveau émotion, on a déjà donné. Je joue un peu de mes charmes pour essayer de me faire pardonner. C'est un peu ma carte de la dernière chance. Si je ne brille pas par mes talents de cuisinière, il faut bien que je me rabatte sur autre chose. « Ne commence pas à me parler avec cette voix là, tu sais très bien que je n’y résiste pas. » Un large sourire s'affiche alors sur mes lèvres. Bon, ça va, sur ce point là, je ne suis pas aussi nulle. « Je suis censée être celle qui a le pouvoir là maintenant, ne retourne pas les règles à ton avantage. » Je comprends pas où elle en veut en venir, absolument pas. « Tu me connais, c'est pas mon genre. » Ajoutais-je avant de mêler mon rire au sien. Ça me fait tellement de bien de me sentir soulagée de ce poids longtemps resté sur la conscience. « Déjà, je crois qu’un baiser pourrait être un bon début pour te rattraper. » Et sans plus attendre, la jeune femme vient s'emparer de mes lèvres. Nos langues se retrouvent pour la première fois depuis bien longtemps. Trop longtemps même. Un baiser qui vient chasser toutes les précédentes tensions comme une véritable libération. Un grognement se fait alors entendre dans le ventre de Zelda. « D’une façon ou d’une autre, il va falloir remplir mon ventre. Sinon il va finir par s’auto-manger. » La bouffe avant tout. Un vrai estomac sur patte celle-là. Pire que Shadow. « Si j’te jure ! » Un sourire naturel vient s'installer sur le coin de mes lèvres. « Oula, je ne veux surtout pas être responsable de ce drame. » Je fouille un peu vers quelques papiers avant de mettre la main sur une carte de pizzas à emporter. Je n'ai pas grand chose de mieux à lui proposer. « Pizza ? » Je me rapproche d'elle, ma main agrippant sa taille la forçant à coller son corps contre le mien. « J'ai foiré les lasagnes mais je pourrais me rattraper sur le dessert. » Mon regard en dit long sur le sous-entendu que je laisse glisser d'entre mes lèvres. Le livreur n'a pas intérêt à être trop long. « Enfin, si t'es capable d'attendre jusqu'à là. » Que je glisse dans un murmure à son oreille pour la provoquer. Je joue un peu, la taquine, juste pour voir si je peux la faire flancher. C'est plus fort que moi. En réalité, je crois qu'elle m'a beaucoup trop manquée.

Mon coeur tambourine à mille à l'heure dans ma poitrine au fur et à mesure que les secondes défilent. Cette proximité soudaine qui nous rapproche est troublante. Je n'ai plus l'habitude d'y être confrontée. Et même si cette sensation risque d'être éphémère une fois la réalité revenue, je m'y accroche sans y réfléchir à deux fois. Je retrouve enfin cette complicité qui m'a tant manquée durant l'année écoulée. Ce contact, cette présence et ce besoin affectif. Juste elle et rien d'autre. Ça serait mentir de dire que je ne profite pas un peu de la situation pour avoir le loisir de laisser mes doigts glisser sur la douceur de sa peau. Comme à l'instant même où je viens frôler son visage. Mais c'est plus fort que moi, j'en ai besoin. Un besoin vital. Prise par l'émotion du moment, je ne réfléchis pas réellement avant de lui ouvrir mon coeur. C'est une déclaration toute aussi spontanée que sincère. Et lorsque le regard de ma demi-soeur devient brillant, je ne peux m'empêcher de sourire. Bêtement. Sa réaction prouve beaucoup de choses. Elle n'est pas insensible à mes mots. Elle n'est pas insensible face à moi. Et ça, ça vaut tout l'or du monde. Je m'éclipse quelques secondes pour récupérer un t-shirt à lui donner. Elle ne va pas rester habillée comme ça pour dormir. Par réflexe, je détourne un peu le regard lorsque Kai se déshabille devant moi. Peut-être que je ne devrais pas être gênée mais c'est instinctif. Je ne veux pas qu'elle s'imagine des choses. Ce n'est pas le moment de tout gâcher. Et pourtant mes yeux sont inévitablement attirés par la poitrine dénudée de ma demi-soeur. Comme un aimant impossible à contrôler. Kai se retient à moi pour retirer son pantalon alors que mon regard vient fixer le sol. Ne pas regarder, ne surtout pas regarder. « Faut que j’dorme. » Ça serait plutôt une bonne idée, oui. J'en ai besoin aussi si je veux me remettre les idées d'aplomb. « Merci… » Kai vient se lover dans mes bras et mon coeur manque un nouveau battement. Mes bras s'enroulent naturellement contre son corps pour attirer la jeune femme contre moi. « Je te prête mon lit pour ce soir. » Dis-je en laissant échapper un petit rire amusé d'entre mes lèvres. Ce n'est pas mon lit justement mais le sien. Et je ne vais pas la laisser retourner dans son canapé après la soirée de merde qu'elle vient de vivre. « On échange les rôles. » Je l'aide à s'allonger avant de m’asseoir au bord du lit. « Je vais rester là un moment le temps que tu t'endormes... et après je partirais. » Ma main vient se poser sur la sienne, mon regard agrippant le sien. Elle ne devrait pas mettre beaucoup de temps à rejoindre les bras de Morphée vu dans l'état où elle est. C'est pas plus mal finalement. Et pourtant, je rêve que cet instant puisse durer le plus longtemps possible. J'espère même secrètement qu'elle me demande de dormir avec elle. Lovée dans les bras l'une de l'autre. Comme avant.

Kai a l'alcool triste. C'est pas nouveau, je l'ai déjà vu à l'oeuvre par le passé. Mais cette fois-ci, c'est différent. Ma demi-soeur est à un stade encore supérieur. A fleur de peau, ses émotions deviennent totalement incontrôlables. Elles prennent le dessus sur tout le reste. Et même si ma présence à ses côtés semble tout de même lui faire du bien, son mal est profond. J'essaye de trouver les mots justes pour la calmer et tenter de la rassurer du mieux possible. Mais quoi que je puisse dire, j'ai l'impression que rien ne pourra être suffisant. C'est une sensation terriblement frustrante de se sentir à tel point impuissante. Mais je ne baisse pas les bras pour autant, c'est mal me connaitre. « Tu peux pas dire ça, tu sais pas comme je suis avec lui. C’est normal qu’il ait plus envie d’être avec moi. J’suis trop chiante, je suis jalouse, et possessive, et je le laisse pas respirer et… j’ai juste peur qu’il trouve quelqu’un de mieux que moi… » Non, je ne sais pas comment elle peut se comporter avec lui, c'est vrai. Mais je la connais suffisamment pour savoir que ses petits défauts font partie intégrante de son charme. Moi, elle me plait comme elle est. Insupportable et chiante aussi. Depuis le temps, je le connais le spécimen. Je secoue vivement la tête alors que mes doigts viennent serrer un peu plus fort les siens. « Toute manière je mérite personne. J’suis pas quelqu’un de bien, je fais juste du mal autour de moi. J’devrai, j’sais pas. J’sais pas c’que j’fous là. » Ça me fait tellement de mal de l'entendre dire des choses pareilles. Je sais que c'est l'alcool qui a pris le dessus sur sa raison, je sais qu'elle ne le pense pas forcément... mais même. « Pourquoi tu restes ? Pourquoi tu t’accroches à moi Kezia ? J’mérite pas ça… » Certes, après tout le mal qu'elle a pu me faire, tout ce qu'elle a pu me balancer à la gueule, j'aurais pu décider de l'abandonner. De tout abandonner. Mais elle aura beau tout faire pour que je la déteste, ça ne marchera pas. « Kai... » Je murmure son prénom d'entre mes lèvres avant de plonger mon regard dans le sien. « Je ne peux pas te laisser penser ça. » Ma main libre vient caresser sa joue avant de remettre une mèche derrière son oreille. « Tu es comme tu es, Kai. Une putain d'emmerdeuse, c'est vrai, mais pas que. » Je souris légèrement pour tenter de la faire rire avant de poser ma main contre sa poitrine au niveau de son coeur. « Là, au fond, je sais qu'il y a un coeur immense. Tu as beau vouloir à tout prix te créer une espèce de carapace, moi, je te connais. Je te connais vraiment. » Comme personne. Elle le sait tout autant que moi. « Tu es merveilleuse, Kai. Et tu mérites bien plus que tu ne peux l'imaginer. » Je ne veux surtout pas qu'elle en doute, jamais. Peut-être qu'elle aura tout oublier demain ou peut-être qu'elle fera semblant de ne plus s'en souvenir, mais peu importe. Ce soir, je lui parle à coeur ouvert. « Merveilleuse même dans un sale état, si si, je te promets. » Je tente une nouvelle fois de la faire sourire pour détendre un peu l'atmosphère. Elle a besoin de se reposer pour se remettre de ses émotions. Demain est un autre jour. Je récupère un de mes t-shirt dans le placard et lui tend, un sourire aux lèvres. « Tiens, enfile ça, tu seras plus à l'aise. »

Avec toutes ces émotions, j'en oublie complètement les lasagnes dans le four. En réalité, je suis désormais à mille lieux de pouvoir gérer quelque chose dans mon état. Ouvrir mon âme de cette manière à ma petite-amie me laisse totalement vulnérable. Ce n'est pas quelque chose que je fais habituellement. De nature à vouloir tout garder pour moi, tout le temps, c'est un sentiment que je n'ai pas l'habitude de gérer. Faire tomber le masque, disparaître ma foutue carapace de protection. C'est un mal pour un bien, j'en suis consciente, mais ça me fout un sacré bordel quand même. Dans la tête et dans le coeur surtout. J'en suis toute retournée et bouleversée. Et Zelda n'a sans aucun doute jamais eu l'occasion de me voir sous cette facette là. C'est une grande première là aussi. Ce qui prouve une nouvelle fois tout mon attachement et mes sentiments pour la demoiselle. Des sentiments qui me font parfois peur - souvent même, mais qui sont bel et bien là, au plus profond de mon être. Je ne joue pas avec elle. La jeune femme me rejoint dans la cuisine en riant avant d'ouvrir la fenêtre pour faire évacuer la fumée. « Dommage, j’avais bien envie de goûter ce que t’avais préparé. » Ça va, elle le prend bien. En même temps que peut-elle faire d'autre ? Je suis une catastrophe ambulante et la cuisine c'est pas véritablement mon domaine, elle le sait. Mais pour l'occasion, je voulais mettre les petits plats dans les grands comme on dit. « Des lasaaaaagnes en plus ! Sacrilège ! » Et oui, ma surprise aurait eu l'effet escompté. Si seulement les lasagnes n'étaient pas carbonisés. Je me repose un peu sur le plan de travail prenant ma tête entre les mains. Je secoue la tête de droite à gauche, désespérée. « Hey ! Jo… Ça va c’est rien ! C’est pas grave ! » Elle s'approche de moi et me pousse à ancrer mon regard dans le sien pour me rassurer. Je suis littéralement à fleur de peau, capable de m'écrouler à tout moment pour n'importe quelle raison. Un état un peu second que j'ai du mal à contrôler. « C’est pas grave. On va commander un truc, t’auras tout le temps de me re cuisiner des lasagnes. » Certes, ce n'est pas grave en soit mais je reste quand même déçue de ne pas avoir réussi ma surprise. « Je voulais tellement faire les choses bien... » Je m'arrête et viens frôler son visage de mes doigts. « ...pour toi. » Mon regard plongé dans le sien, ma main dans la sienne. « Qu'est-ce que je peux faire pour me faire pardonner ? » Je la regarde d'un sourire enfantin prête à tout pour me rattraper. « Vas-y, tu peux me demander tout et n'importe quoi. » Ajoutais-je en riant légèrement. Si elle a quelque chose à me demander, qu'elle en profite, c'est le moment ou jamais. Je lui dois bien ça. La connaissant, je prends des risques en lui disant ça mais là, tout de suite, je m'en fous complètement. Ce qui compte à mes yeux, c'est elle et uniquement elle. « Tes désirs seront des ordres. » A cet instant-là, mon regard devient naturellement plus séducteur.

Il n'y a rien que je puisse dire - ou faire - qui soit en mesure de sauver la situation. C'est difficile de trouver les mots dans un cas comme celui-là. A part être présente pour elle et la soutenir, je ne peux malheureusement pas faire de miracle. Surtout au vue de l'état de ma demi-soeur. L'alcool jouant un peu sur son moral comme les montagnes russes. Elle n'est plus tout à fait lucide sur le sujet. « J’ai vu comme ils se regardaient, ça date pas que de ce soir. J’suis pas conne… » Merde, c'est plus grave que ce que je pensais. Peut-être que Kai se fait juste des films, j'en sais rien. Mais elle a l'air pourtant convaincue de ce qu'elle avance. Je viens à nouveau caresser sa cuisse alors que mon autre bras s'enroule dans son dos. « Et Sawyer, putain je vais lui éclater sa tête à celui là, il le sait que Todd est avec moi, et pourtant il continue de me provoquer ! » Elle balance des informations décousus et commence à s'énerver. La jeune femme passe du chagrin à la colère en une fraction de seconde. Comme si elle n'arrivait plus rien à contrôler. Sans doute l'effet de l'alcool qui accentue et décuple ses émotions. « Kai, calme-toi. » Je viens agripper son menton avec l'aide de mon pouce la forçant à me regarder dans les yeux. Un moyen de l'aider à se calmer et à se concentrer sur autre chose. En l’occurrence moi.  « Je sais pas quoi faire, j’ai l’impression que tout s’effondre autour de moi, y’a rien qui va putain… » Kai s'écroule de nouveau à chaudes larmes. La voir dans cet état me brise le coeur, vraiment. Elle qui a pourtant l'habitude de toujours garder la face. De sauver les apparences coûte que coûte en jouant les durs à cuire. Là, ce n'est plus le cas. Kai ne peut pas être plus vulnérable qu'à cet instant. Et cette Kai là, je la connais. Je sais que je suis une des seules à la connaitre réellement. Sous toutes ses facettes. « Ne dis pas ça... c'est pas de ta faute. » La maladie de son père, et maintenant ça. C'est vrai que le sort s'acharne sur elle. Mais ça ne sert à rien de broyer du noir et de tout voir de travers. Il faut qu'elle soit forte, qu'elle reste forte. Elle l'a toujours été, je le sais. Et même si c'est plus difficile de continuer à être forte en ce moment, je suis là, moi. Je vais l'aider à surmonter ces épreuves. « Tu n'es pas toute seule, je suis là. Je serais toujours là pour toi. » Mon regard plongé dans ses yeux, mes doigts se mêlant fermement au sien. « Et si Todd ne se rend pas compte de la chance qu'il a de t'avoir comme petite-amie, c'est qu'un con, voilà tout. » Il ne la mérite pas - tout simplement. Même si c'est délicat à encaisser et à entendre à voix haute comme ça. « Il ne sait pas ce qu'il perd. » On peut croire que ce sont des phrases toutes faites, de belles paroles balancées uniquement dans le but de la valoriser... mais non. Ce que je dis, je le pense sincèrement. Plus que jamais.

J'essaye de me montrer la plus rassurante possible. Je reste près d'elle, mon regard dans le sien, ma main se posant sur le bras de ma demi-soeur. Je veux qu'elle puisse me faire confiance, qu'elle puisse se livrer à moi comme elle le faisait avant. Je veux qu'elle comprenne que, malgré nos conflits, je suis là. Et je serai toujours là. A genoux devant elle, je lui prête une oreille et une écoute attentive. « C’est… » Je me demande bien ce qui a pu se passer pour qu'elle soit dans cet état. Elle est à deux doigts de pleurer, ça se voit, ça se sent. « J’allais pas très bien ce soir, j’avais envie de voir Todd, mais il répondait pas… » Je la laisse continuer sans la couper. Il ne faut surtout pas qu'elle se brusque. « Alors j’ai été à la soirée où il était avec ses potes du foot, et je l’ai trouvé dans la cuisine… en train de… flirter. Avec un gars. » Outch, quand même. Là, tout de suite, je n'ai sais pas quoi répondre. Une grimace s'installe inconsciemment sur mon visage. Faut dire que la situation n'est pas vraiment banale. Apprendre que son mec flirte avec quelqu'un d'autre, c'est déjà difficile à avaler. Mais si en plus c'est avec un garçon... d'autant plus quand on connait la réticence de Kai pour les homos. « Ah merde. » C'est tout ce qui sort de mes lèvres pour le moment. Rien de plus mais un regard compatissant et une main qui vient se loger dans la sienne. C'est déjà ça. J'ai envie d'être là pour elle et de la soutenir mais j'ai peur d'être un peu trop maladroite. Sans qu'elle s'en rende forcément compte, ça fait un peu écho à notre histoire. « C’est pas possible putain. Qu’est-ce que j’ai fait de mal hein ? » Kai s'effondre en sanglots et je viens enrouler mes bras autour de son corps pour la serrer fort contre moi. Une étreinte qui se veut douce et apaisante. Pour essayer en premier lieu de calmer la jeune femme. Je comprends mieux maintenant pourquoi elle s'est mise dans cet état. Je la relâche et viens plonger mon regard dans le sien caressant sa main de mon pouce. Mon autre main vient se positionner sur sa cuisse alors que je suis toujours à genoux devant elle. « C'est peut-être pas ce que tu crois... » Je ne sais pas exactement ce qu'elle a vu ou ce qui a pu réellement se passer entre eux concrètement. Et même si j'essaye de relativiser la situation, quelque chose me dit que c'est encore pire. Je secoue un peu la tête avant d'ajouter. « En soirée, il peut se passer des choses... des conneries sur un coup de tête, des jeux débiles ou ce genre de trucs. » Je m'efforce de trouver une explication ou une raison quelconque à ce débordement. « Mais ça ne veut pas dire que... enfin, ça ne veut peut-être rien dire. » Je commence à m'emmêler un peu les pinceaux. Et merde, je suis complètement nulle pour lui remonter le moral. C'est bidon ce que je raconte. Et bizarrement, ça me fait un peu penser aux belles paroles que je lui ai balancé la dernière fois pour justifier mon baiser. Tais-toi, Kezia, tu t'enfonces. J'ai peur qu'avec mes conneries la jeune femme s'emporte dans un élan de colère. L'alcool et le chagrin n'a jamais fait bon mélange.

« Ne dis pas des trucs pareils.. » C'est peut-être radicale comme propos mais c'est pourtant ce que je pense réellement au fond de moi. Je ne mérite pas d'être heureuse, je ne mérite même pas de vivre à cet instant précis. C'est lui qui devrait être à ma place. « Tu n’as pas fait exprès, tu voulais pas ça, je le sais, tu le sais, il le sait aussi… » Bien sur que je ne voulais pas que le drame se produise. J'ai été inconsciente, je n'étais plus lucide. Et je n'ai pas pensé aux conséquences. On pense toujours que ce genre de drame n'arrive qu'aux autres. Et pourtant. « Hey… » La jeune femme se lève pour faire le tour de la table jusqu'à moi. « Viens là. » Je me glisse alors dans ses bras sans me faire prier. Cette étreinte me fait du bien. C'est tout ce dont j'avais besoin, là, tout de suite. Qu'elle soit là pour moi malgré tout le mal que j'ai pu lui faire est une immense preuve à mes yeux. « Je comprends mieux maintenant, ça va aller. Je suis là. Il faut que tu te pardonnes Johan… » Zelda a raison. Il faut que j'arrive à me pardonner à moi-même avant toute chose, c'est le seul moyen d'avancer. « Je t’aime, je te lâche pas t’entends ? Je suis là… » Ses mots me touchent particulièrement et me réchauffent le coeur. Ça fait toujours du bien à entendre. Surtout après les quelques jours où cette foutue distance s'est installée entre nous. Soulagée, je viens poser ma tête sur son épaule serrant encore un peu plus fort son corps contre le mien. « Merci Zelda, vraiment. » Je relève la tête et plonge mon regard dans le sien. « Merci pour tout. » Merci d'être encore là, malgré tout. Elle aurait très bien pu m'abandonner sans chercher à comprendre ni même chercher à me revoir. Après tout, c'est pas comme si je ne l'aurais pas mérité. Mais non, elle n'a pas lâché l'affaire. Elle est encore là et me prouve une nouvelle fois à quel point elle tient à moi. « Tu peux pas savoir comme ça me fait du bien... » Rien que le fait d'avoir pu me confier à quelqu'un de la sorte est un grand pas pour moi. Ce n'est pas rien et c'est la preuve que Zelda est vraiment importante dans ma vie. « Avec toi, je me sens comme quelqu'un de meilleur. Je me sens mieux, je me sens vivante... moins seule et lamentable. » C'est l'une des seules personnes capable de faire de moi quelqu'un de bien. Pas la femme parfaite, loin de là, mais une personne qui gagne au moins à être connu. C'est déjà ça. Il y a Ryan, aussi - ou avait, et Zellie ma belle-soeur. Mais c'est réellement dans les périodes difficiles que l'on se rend compte de la véritable valeur des gens qui nous entourent. Une odeur de brûlé vient alors interrompre notre étreinte. Merde, le four. Je m'empresse de rejoindre la cuisine mais ne peut que constater les dégâts. Les lasagnes sont carbonisées et la fumée a déjà commencé à envahir la pièce. « Et merde, c'est complètement cramé. » A ce niveau-là, c'est immangeable. Je viens une nouvelle fois de tout foutre en l'air. Une véritable catastrophe.